Incendie d’une usine chimique en France: « l’embarras » des maires et des médecins

Médecins "embarrassés", maires désemparés, députés "révoltés", écologistes "étonnés": le premier comité pour la transparence sur le gigantesque incendie d’une usine chimique à Rouen (nord-ouest de la France) a laissé vendredi nombre de questions sans réponse.

"De nombreux habitants nous demandent ce qu’ils doivent faire de leurs déchets verts avec des retombées d’hydrocarbure, des eaux utilisées pour nettoyer les retombées des suies? Pourquoi à 150 mètres du site les habitants n’avaient aucune consigne pour se protéger alors que les policiers portaient des masques?", égrène Charlotte Goujon, maire de la commune de Petit-Quevilly, qui jouxte l’usine Seveso seuil haut.

Le classement en Seveso signale en France la dangerosité d’un site et implique qu’il bénéficie d’une surveillance particulière. Le 26 septembre, un spectaculaire incendie a détruit plus de 5.000 tonnes de produits chimiques dans l’usine Lubrizol à Rouen, qui fabrique et commercialise des additifs qui servent à enrichir les huiles, les carburants ou les peintures industriels.

Charlotte Goujon s’exprimait lors du premier comité sur la transparence de cette catastrophe industrielle qui a réuni près de 80 personnes.

"La question de l’eau peut se poser dans les mois, voire les années qui viennent", renchérit Dominique Gambier, maire de la localité de Déville-les-Rouen.

Et "qu’est ce que cette fumée blanche qui persiste sur le site à l’emplacement des 160 fûts ? C’est lié au refroidissement ou c’est une émanation des produits contenus dans ces fûts ?", reprend la maire de Petit-Quevilly, qui a porté plainte au nom de sa ville.

Parmi les "priorités" de l’État français figure "l’élimination de 160 fûts" endommagés et présentant un "risque d’émanations de gaz mercaptan, très incommodant, et de sulfure d’hydrogène, extrêmement dangereux", venait alors de rappeler Patrick Berg le directeur régional de l’environnement.

Le désarroi des professionnels de la santé n’est pas moindre. "La population est traumatisée et on n’a pas de réponse très carrée à leur donner. Franchement on sait pas où on va. On a l’impression d’être entré dans un tunnel et de ne pas en voir le bout", explique Antoine Leveneur, président de l’union régionale des médecins libéraux.

"Une jeune maman enceinte m’a demandé si elle pouvait envoyer son fils jouer dans un stade où il y avait de la suie sur la pelouse. Je ne savais pas quoi répondre", ajoute le médecin, dans "l’embarras".

– "Organisation du pays" –

Pour l’ancien ministre français et président du conseil régional Hervé Morin, "il faudra que la France toute entière s’interroge sur sa capacité à gérer une catastrophe industrielle comme celle-ci. On a vu toutes les défaillances, les carences et les lacunes. C’est l’organisation du pays qui n’est pas adaptée à une catastrophe industrielle".

Gilbert Renard, maire de Bois-Guillaume, commune de l’agglomération de Rouen, demande lui que soit sursis à l’exécution du plan local d’urbanisme "arrêté par la métropole en juin dernier" et qui "diminue la prise en compte des risques technologiques".

"On aura à tirer toutes les conséquences, y compris pour renforcer la prévention des risques technologiques", admet la ministre française de la Transition écologique Élisabeth Borne qui participait au comité au côté de la ministre de la Santé et de celui de l’Agriculture.

Les associations écologistes, elles, ne croient pas aux données présentées comme "rassurantes" par l’État français. "Étonné", Jacky Bonnemains de l’association Robin des Bois dénonce des "numéros de prestidigitation" selon lui de M. Berg sur l’amiante et les dioxines.

L’État français n’est pas le seul à subir les foudres des participants. Le PDG de Lubrizol France Frédéric Henry a beau promettre "d’accompagner" habitants, commerçants et agriculteurs impactés par la catastrophe industrielle, son entreprise détenue par le milliardaire et célèbre investisseur américain Warren Buffett est aussi dans le viseur.

"Je trouve renversant de ne rien entendre de votre bouche qui renvoie à des éléments chiffrés, ne serait-ce que par rapport à vos responsabilités morales. Vous savez à quel groupe vous appartenez. Vous êtes en capacité de prendre des engagements financiers", a martelé le député communiste Hubert Wulfranc, qui s’est dit "révolté

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