Hollande, une séquence calamiteuse révélatrice d’un socialisme à la française

La polémique autour du supposé mépris des pauvres de François Hollande, son impopularité inégalée et la contestation de sa ligne politique jusque dans sa majorité sont aussi le signe d’un socialisme à la française déboussolé qui a perdu le lien privilégié avec les classes populaires, selon des analystes interrogés par l’AFP.

Même vivement contestée par l’intéressé qui y voit la négation de "l’engagement de toute une vie", l’anecdote rapportée par l’ancienne compagne du chef de l’Etat français, Valérie Trierweiler, dans son livre-témoignage d’un François Hollande raillant les pauvres, surnommés les "sans-dents", a fait mouche.

L’émotion suscitée par ce supposé trait d’humour témoigne, selon les analystes, d’un divorce désormais consommé entre le pouvoir socialiste et les milieux populaires, plus profond encore que du temps de Tony Blair ou de Gerhard Schröder en Grande-Bretagne et en Allemagne, au tournant des années 2000.

Pour preuve, selon un sondage Ifop pour le Figaro publié vendredi, la présidente du Front national (extrême droite) Marine Le Pen l’emporterait actuellement avec 54% des suffrages face à François Hollande au second tour d’une élection présidentielle. Dans un autre sondage, M. Hollande a touché le fond, avec 13% de bonnes opinions.

Selon Jérôme Fourquet, responsable du Département opinion de l’Ifop, les "sans-dents" constituent un nouvel élément à charge pour ceux qui instruisent "le procès des rapports de la social-démocratie aux pauvres", après une série de scandales allant de Dominique Strauss-Kahn et son agression d’une femme de chambre au Sofitel de New York à l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac et ses comptes à l’étranger, en passant par la récente démission d’un secrétaire d’Etat qui ne payait pas ses impôts.

L’expression des "sans-dents" rapportée par Valérie Trierweiler, remarque le politologue Jérôme Fourquet, est "aux antipodes du discours du Bourget", quand en janvier 2012, le candidat socialiste à la présidentielle faisait du "monde de la finance" son "adversaire" et proclamait, "j’aime les gens, quand d’autres sont fascinés par l’argent".

"Si le procès en embourgeoisement est vieux comme le socialisme", analyse encore Jérôme Fourquet, "il a acquis une résonance particulière avec la multiplication d’affaires aux effets symboliquement dévastateurs".

Elles surviennent, souligne-t-il, "au moment-même où le gouvernement et une partie du Parti socialiste font le choix du social-libéralisme" avec le "J’aime l’entreprise!" lancé au patronat par le Premier ministre Manuel Valls, l’arrivée d’un banquier d’affaires, Emmanuel Macron, au ministère de l’Economie et celle de Laurence Boone, venue de Bank of America, comme conseillère auprès du chef de l’Etat.

– Des sacrifices sans contreparties –

Pour le directeur de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg, Frank Baasner, les racines du mal sont profondes. "Le PS français est probablement le dernier parti socialiste d’Europe à ne pas avoir tranché entre l’économie de marché et le rêve d’une alternative socialiste, teintée de marxisme", souligne-t-il.

La social-démocratie allemande, rappelle Frank Baasner, a abandonné dès 1959 toute référence à la lutte des classes. Puis une deuxième rupture est intervenue au début des années 2000, celle de la flexibilité du marché du travail introduite par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder tandis que le "blairisme" triomphait en Grande-Bretagne.

Il y a une semaine encore, interrogé à l’issue d’un sommet européen sur le tournant social-libéral incarné par le gouvernement Valls II, François Hollande prenait la tangente, refusant de trancher. "Etre social-démocrate, c’est être socialiste, et être socialiste, c’est être social-démocrate", assurait-il.

Une "confusion" qui n’a plus cours depuis belle lurette en Allemagne, souligne encore le directeur de l’institut de Ludwigsburg.

"Si on lit dans un journal que le nouveau gouvernement français est social-libéral, tout le monde applaudit en Allemagne où l’on se souvient de la coalition très positive entre le social-démocrate Helmut Schmidt et le libéral Hans-Dietrich Genscher, tandis qu’en France, on pensera à une trahison de la gauche", relève-t-il.

Le "blairisme", relève pour sa part l’essayiste Eric Dupin, "demandait des sacrifices aux classes populaires, tout comme Gerhard Schröder en Allemagne, mais il leur offrait en échange une perspective de croissance".

Ainsi, "le drame du +vallsisme+", estime-t-il, serait précisément "de demander des sacrifices aux classes populaires sans leur offrir de contreparties".

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