« Gilets jaunes » : la nouvelle fronde populaire anti-Macron ternie par un accident mortel

Plusieurs accidents, dont un mortel, ont entaché samedi le mouvement des « gilets jaunes », nouvelle fronde populaire dirigée contre Emmanuel Macron qui n’a pas réussi à « bloquer » la France comme elle l’avait promis.

Une manifestante est décédée dans les Alpes françaises après avoir été heurtée par une voiture dont la conductrice a été prise de panique à un barrage organisé par ces "gilets jaunes", des automobilistes protestant contre la hausse des taxes sur les carburants.

Dans le nord, un piéton était en "urgence absolue" après avoir été renversé. D’autres incidents ont fait 16 blessés légers, dont un policier, selon des sources officielles.

Le ministère de l’Intérieur estimait à un millier le nombre de rassemblements à travers la France, avec quelque 50.000 participants, soit "pour l’instant" un niveau moins important "que ce qui avait été envisagé". Seuls sont bloqués des points d’accès mais aucun axe stratégique, selon le ministère.

"Nous sommes là, c’est le peuple. Nous, les petits ouvriers, on ne peut plus vivre", tempête Evelyne Raliere Binet, bloquant une autoroute dans le Jura (est) où une banderole lançait le "SOS d’une nation en détresse".

A Paris, une cinquantaine de manifestants descendaient les Champs-Elysées depuis l’Arc de Triomphe aux cris de "Macron démission!".

Les "gilets jaunes", nom donné en raison des vestes fluorescentes que chaque automobiliste est obligé en France de détenir dans sa voiture afin de le rendre visible en cas d’accident, entendent protester contre la hausse des taxes sur les carburants, une fiscalité écologique, mais également contre la politique "injuste" du gouvernement qui grèverait le pouvoir d’achat.

Visiblement fébrile face à ce mouvement apolitique et asyndical, et donc à l’ampleur difficile à prévoir, le gouvernement a ces derniers jours multiplié caresses et menaces. "On peut manifester" mais bloquer un pays n’est "pas acceptable", a ainsi répété vendredi le Premier ministre Edouard Philippe.

Mercredi, le gouvernement annonçait une hausse des aides aux plus modestes pour changer de véhicules et payer ses factures d’énergie. Le même jour, Emmanuel Macron tentait un mea culpa inédit, admettant ne pas avoir "réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants", pourtant une promesse de campagne phare du président.

Ce dernier mouvement de contestation intervient après une année difficile pour le président, avec des manifestations qui se sont multipliées contre son vaste programme de "transformation" de la France, sans cependant réussir à stopper la locomotive réformatrice. La popularité de M. Macron, sous les 30%, est la plus basse depuis son élection en 2017.

Les "gilets jaunes" sont en revanche, eux, soutenus par 73% des Français, selon le sondeur Elabe. "54% des électeurs de Macron soutiennent ou ont de la sympathie pour ce mouvement. Ce n’est pas anodin", souligne Vincent Thibault, chargé d’études senior à l’institut.

"C’est d’ores et déjà un succès en termes d’opinion", en conclut pour l’AFP Jérôme Sainte-Marie, président de PollingVox, autre institut d’enquête d’opinion.

"Qu’ils soient quelques milliers ou plusieurs millions, qu’ils parviennent ou non à bloquer le pays, les gilets jaunes ont gagné", estime le quotidien Le Parisien. "Ils ont rappelé à nos dirigeants que (…) la fiscalité écologique (…) est vouée à l’échec si elle néglige la réalité quotidienne de ceux qu’elle est censée aider".

Pour Jérôme Sainte-Marie, "Emmanuel Macron est en grande difficulté face à ce peuple central, ce Français moyen, qui n’a pas l’impression d’être aimé par Macron: il incarne une forme d’élite parisienne, sociale et intellectuelle".

"L’image de président des riches, c’est encore très présent. Il a du mal a s’en défaire", résume Vincent Thibault.

Fédérant mécontentements et frustrations, le mouvement des "gilets jaunes" est également "la conséquence d’accusations, l’accumulation incessante de petites phrases, comme quand il avait parlé des +gens qui ne sont rien+", juge M. Sainte-Marie en référence à une des saillies dont le président Macron est coutumier. "Une gare, c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien", avait-il dit en juillet 2017, suscitant un vif émoi.

La hausse du prix de l’essence n’est ainsi qu’un "élément déclencheur", note Vincent Thibault. "Le mécontentement est plus général", juge-t-il.

"Les taxes sur l’essence, c’est la goutte de trop", titre ainsi samedi le quotidien de gauche Libération. "L’ampleur du mouvement dira si Macron a non seulement échoué à réconcilier le peuple avec ses dirigeants mais, pire, creusé le fossé qui les sépare".

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