Ghannouchi et Israël: duplicité tunisienne ou manoeuvre israélienne?

Rached Ghannouchi a démenti sur sa page Facebook avoir donné une interview à Radio Israël, dans laquelle il aurait lié l’établissement de relations diplomatiques entre la Tunisie et Israël avec la solution du problème palestinien.

Ghannouchi et Israël: duplicité tunisienne ou manoeuvre israélienne?
Même si elle n’exclut pas formellement une normalisation avec Israël (qui est d’ailleurs nommé comme tel, et non désigné par la périphrase «entité sioniste»), cette déclaration reste très diplomatique. C’est une déclaration de principe qui laisse la porte ouverte à cette normalisation, tout en renvoyant aux calendes grecques l’hypothétique reconnaissance d’Israël par la Tunisie. Elle n’en demeure pas moins problématique, car elle intervient deux semaines après que M. Ghannouchi et les dirigeants d’Ennahdha, y compris le chef du Gouvernement Hamadi Jebali, aient reçu, en grandes pompes, à Tunis, l’ex-Premier ministre et l’un des chefs du Hamas palestinien, Ismaïl Haniyeh, à grand renfort de slogans anti-israéliens et même anti-juifs.

Qui a parlé de double langage ? L’un pour les militants de base du parti islamiste tunisien et pour les Tunisiens lambda (où se recrute l’essentiel des électeurs d’Ennahdha), et l’autre pour la communauté internationale, Bruxelles et Washington en tête, pour donner une image lissée (et policée) d’un mouvement en phase avec… le processus de paix au Proche-Orient.

Souvenons-nous : il y a quelques mois, les représentants d’Ennahdha à la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (Hiror), dirigée par Iadh Ben Achour, appelaient à cor et à cri à l’inscription de la non-reconnaissance d’Israël dans le texte même de la nouvelle constitution tunisienne. Ils voulaient ainsi mettre en difficulté les dirigeants des partis de gauche qui étaient opposés à cette inscription et trouvaient saugrenue l’idée de mettre des considérations de politique internationale, forcément changeantes, dans le texte d’une loi fondamentale, appelée à durer au moins cent ans.

Commentaire d’un ancien diplomate tunisien : «Ennahdha veut jouer sur les deux tableaux : à la fois passer pour un défenseur acharné des droits des Palestiniens et se couler dans le moule du libéralisme, quitte à entretenir, à terme, des relations politiques et économiques avec Israël. C’est cette duplicité que je trouve écoeurante.»

Aujourd’hui, M. Ghannouchi dément avoir donné une interview à Radio Israël ou à aucun autre média israélien en marge de sa participation, la semaine dernière, au Forum économique mondial de Davos. On n’a aucune raison de ne pas le croire. Il n’en reste pas moins que le président d’Ennahdha ne peut pas se contenter d’un «petit» démenti, vague et laconique, sur sa page Facebook. Il doit envoyer un démenti officiel à Radio Israël afin de mettre fin à la polémique à ce sujet. Les électeurs d’Ennahdha, et tous les Tunisiens, ont droit à cette clarification.

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