Gastronomie marocaine : une femme chef, Fatema Hal

Quand vous êtes au cœur de Paris et que vous êtes pris par ce désir de déguster les saveurs de la cuisine marocaine, suivez la rue Faidherbe du 11ème arrondissement et prenez le temps d’observer sur votre gauche le Restaurant ‘’Le Mansouria’’.

Gastronomie marocaine : une femme chef, Fatema Hal
Là, se dévoile cette richesse culinaire marocaine, dont l’originalité tient à la multitude d’influences qu’elle a subies : influence arabe, certaines recettes remonteraient à l’époque des Abbassides, influence berbère pour le couscous en particulier, influence morisque pour les tagines et le mélange sucré-salé. Et aussi l’influence des cuisines turque, africaine, juive et des cultures culinaires venant d’Asie du sud (Inde…). Fatema Hal, la propriétaire a intégré toutes ces influences en y ajoutant sa touche qui en fait une cuisine conviviale et sensuelle.

La préservation de ce patrimoine marocain est ‘’un point fort’’. Il permet de découvrir à travers les spécialités spécifiques à chaque région, les traditions et coutumes marocaines qui représentent une véritable mosaïque culturelle, nous a-t-elle expliqué dans ce coin d’Orient se situant entre Nation et Bastille.

Native d’Oujda d’une famille modeste, elle a subi la voie traditionnelle des femmes de son pays. Au début des années 70, elle est envoyée à 16 ans en France pour épouser un homme que son père a choisi et qu’elle ne connaît pas. Pendant six ans elle reste dans la norme, le temps de faire trois enfants et de mener une vie de mère au foyer dans une cité-dortoir. Le temps aussi d’observer, de comprendre et d’assimiler la culture européenne et de décider que sa vie est ailleurs.

Commence alors un rude combat, elle quitte son mari en perdant tout droit sur ses enfants. Elle compense par les études (licence en lettres puis diplôme d’ethnologie). La lutte durera cinq ans mais la rage d’accéder à une existence autre, lui fait dépasser les obstacles, elle devient conseillère technique au ministère des droits de la femme. Son histoire ne fait que commencer, durant toutes ces années un projet qui lui tient à cœur depuis longtemps a mûri : ouvrir son restaurant. C’est en 1984 que ‘’ Le Mansouria’’ (en hommage à sa mère Mansouria) ouvre ses portes. Ce palais typiquement marocain va alors emmener ces clients au Maroc par le détour de son choix alléchant de couscous, pastillas, tajines et cornes de gazelle composés par Fatéma Hal, femme chef. A cela près que ses plats dépassent les recettes de base, Fatema livre une cuisine issue de toutes les régions et riche du bagage ancestral de ces femmes traditionnelles, dont le savoir faire se transmettait de génération en génération simplement par le geste.

Résultat : des plats magnifiques. Le succès, immédiat est très largement mérité, lui permet de récupérer ses enfants et de commencer, enfin, une vie plus douce. Pour Fatema, la cuisine représente une culture et un pont vers celle des autres, un lien qui traverse l’histoire et qu’on peut suivre pour peu qu’on s’en donne la peine. Un plat raconte l’histoire de son pays mais aussi celle des influences extérieures accumulées au cours des siècles, il est évident que le geste accompli quotidiennement par les cuisiniers porte l’emprunte de leur vécu.

Ce qui la passionne, c’est de retrouver aujourd’hui le fil, même ténu, qui permet de relier deux pays aussi différent soit-il, et de prouver que la cuisine comme la musique, la peinture le théâtre et autres formes d’expression, est un langage universel vieux comme le monde.

Aujourd’hui, Fatema, secondée par ses trois enfants, trouve le temps de s’échapper et de parcourir le monde pour une autre passion, la collection des épices. Reconnue par tous ses pairs mais aussi par nombre d’artistes, intellectuels et même politiques, pour sa maîtrise de l’art culinaire, elle participe à des colloques. Elle écrit des livres de recettes, dont ‘’la cuisine du ramadan’’, ‘’les saveurs et les gestes’’, ‘’ le meilleur de la cuisine marocaine’’, ‘’couscous’’…

Interrogée sur le risque de normaliser par la force des choses, certains plats traditionnels, Fatema estime qu’un savoir ancestral, ne peut subir une quelconque normalisation. La cuisine marocaine du terroir doit garder son cachet comme telle, et ne peut être normalisée. Notre cuisine est variée et diffère de région en région par la façon dont elle est apprêtée. Un couscous Fassi est quelque peu différent du Marrakchi ou du Soussi ; chacun des ces couscous répond aux traditions de sa région. Les normaliser, c’est à mon sens leur enlever leur caractère et leur authenticité.

Notre pays, explique-t-elle, a le mérite de se trouver au carrefour des deux continents et aussi d’abriter par le passé plusieurs civilisations (Grecque, phénicienne, Andalouse, Arabe, musulmane, Berbère, juive…etc.. C’est ce qui lui donne ce cachet d’une gastronomie de grande valeur. Préserver ce cachet nécessite aussi, selon elle, l’organisation de plusieurs festivals de cuisine au Maroc et à l’étranger et la mise en place d’un musée des arts culinaires et des ustensiles traditionnels. La préservation de cet héritage passe également par la création d’une académie nationale de gastronomie et par l’organisation de concours de cuisine dans différentes régions.

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