France: le projet de loi controversé sur l’immigration met la majorité d’Emmanuel Macron à l’épreuve

La majorité d’Emmanuel Macron s’apprête à passer un test de solidité avec la présentation mercredi du projet de loi sur l’asile et l’immigration, un texte très critiqué en France, jusqu’au sein même du parti présidentiel.

Le texte vise, selon le gouvernement, à réduire à six mois les délais d’instruction de la demande d’asile, à faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés et à mieux intégrer les personnes admises sur le territoire.

Mais depuis des mois, le débat enfle sur ce projet de loi qui divise la majorité centriste, composée d’élus venus de la droite comme de la gauche, où certains font part de leur gêne et contestent la logique "répressive" du texte.

La mesure-phare du texte est le doublement de la durée maximale pendant laquelle un étranger en instance d’expulsion peut être placé en "rétention", qui passe de 45 à 90 jours (voire 135 si l’étranger fait obstruction à son départ forcé du territoire). Destinée à faciliter les expulsions, elle est vigoureusement dénoncée par les associations.

"On sait depuis des années que la durée de rétention influe très peu" sur l’exécution des mesures d’éloignement, souligne David Rohi de la Cimade, association d’aide aux étrangers, qui demande le retrait du texte.

Signe de leur inquiétude, plusieurs acteurs de l’asile risquent d’être en grève mercredi, notamment à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

La contestation a gagné ces dernières semaines les milieux intellectuels et jusqu’aux proches du président français. Le vote jeudi dernier au Parlement d’une proposition de loi sur la rétention des "migrants dublinés" (des demandeurs d’asile enregistrés ailleurs en Europe) a fait office de "tour de chauffe" en donnant lieu à de vifs débats dans la majorité.

"On a entendu les doutes, on a beaucoup discuté et au moment des votes on était tous ensemble. C’est ça qui est important", a assuré lundi la députée du parti présidentiel La République en marche (LREM), Elise Fajgeles, désignée rapporteure du projet de loi.

Mais en dépit d’une "pédagogie intensive" depuis plusieurs semaines auprès de sa majorité, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, qui porte le projet, semble loin d’avoir convaincu tous les parlementaires.

"C’est un projet de loi totalement équilibré. Il reprend deux grands principes: la France doit accueillir les réfugiés, mais elle ne peut accueillir tous les migrants économiques", a estimé en janvier M. Collomb.

Pour répondre aux critiques sur des mesures trop "répressives", le projet de loi comprend un volet intégration se voulant "humaniste", qui a fait l’objet d’un rapport dévoilé lundi. Visant une "politique d’intégration ambitieuse", il préconise de doubler le nombre d’heures de français, de permettre aux demandeurs d’asile de travailler et de faciliter l’obtention de la nationalité française, qui nécessite 12 ans en moyenne aujourd’hui.

Le gouvernement "reprendra les grands axes" de ce rapport, a indiqué lundi le Premier ministre Edouard Philippe.

La question de l’immigration a été l’un des principaux thèmes de la campagne présidentielle l’an dernier en France. Le pays a enregistré un peu plus de 100.000 demandes d’asile en 2017 et accordé l’asile à 36%. Le pays comptait près de six millions d’immigrés en 2014.

Selon un sondage BVA, les Français sont majoritairement favorables au droit d’asile. Mais en même temps, 63% d’entre eux jugent qu’"il y a trop d’immigrés". L’action du président Emmanuel Macron en matière migratoire ne convainc, elle, que 37% des Français.

La gauche est dans l’ensemble très critique du projet de loi immigration, alors que le principal parti de droite, Les Républicains, se dit "très inquiet du laxisme du gouvernement face au défi migratoire".

L’immigration "va s’accélérer avec le projet de loi du gouvernement", estime également la chef de file de l’extrême droite et finaliste de la présidentielle, Marine Le Pen.

Trop dur pour la gauche, trop mou pour la droite, le projet de loi met ainsi au défi l’unité d’un parti présidentiel jusque-là plutôt épargné par les divisions, et place le gouvernement devant un difficile numéro d’équilibriste. (afp)

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