France: cinq travailleurs marocains détachés dénoncent des emplois illégaux et indignes en Provence

Des "emplois indignes et hors-la-loi" selon leurs avocats", un "recours au travail détaché tout à fait légal" selon les entreprises agricoles. A Arles, le conseil de Prud’hommes s’est penché jeudi sur le cas de cinq travailleurs marocains employés dans des exploitations du Sud-Est.

Ces travailleurs, trois femmes et deux hommes, employés par Laboral Terra, une société d’interim espagnole, dans des entreprises des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et du Gard, demandent la requalification de leurs contrats de travail en CDI. Ils exigent aussi le versement de 13.800 et 37.000 euros de rappels sur salaires et d’indemnités notamment pour "licenciement sans causes réelles et sérieuses", ainsi que 6.500 euros de dommages et intérêts pour "marchandage" et "prêt illicite de main d’oeuvre".

Une enquête pénale est également en cours pour faire la lumière sur les conditions de travail de ces salariés.

"Aujourd’hui dans nos champs, le recours aux salariés détachés se généralise dans des conditions indignes", a dénoncé un porte-parole de l’Union locale de la CGT d’Avignon lors d’un rassemblement d’une vingtaine de personnes avant l’audience.

Dans cette affaire déjà plaidée en octobre 2018, les débats ont porté jeudi sur de nouveaux éléments apportés par Laboral Terra aux conseillers rapporteurs qui s’étaient rendus dans les locaux de la société à Avignon le 8 janvier.

"travailler neuf heures sans pause"

Au cours de cette mission, le représentant en France de la société espagnole d’interim avait expliqué aux conseillers de Prud’hommes "s’occuper de la signature des contrats" des travailleurs. Il avait indiqué recevoir les contrats "d’Espagne par mail, et les faire signer en France", selon le rapport. Il avait ajouté qu’il trouvait "les ouvriers en France et qu’il ne les ramenait pas en Espagne".

Pour l’avocat de la CGT et de trois des plaignants marocains, Me Bernard Petit, "ces nouveaux éléments rendent toute polémique sur le travail détaché vaines et démontrent les illégalités évidentes de Laboral Terra: les salariés étaient domiciliés en France et travaillent en France, donc le droit du travail français s’applique".

Les ouvriers marocains demandent en conséquence que leur soient remboursées des retenues sur salaires correspondant à l’impôt à la source espagnol (jusqu’à 25% de leur paye).

"C’est la loi espagnole qui prévaut", ont rétorqué en choeur les avocats de Laboral Terra et des huit entreprises utilisatrices, spécialisées dans le conditionnement de fruits et légumes dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et le Gard.

L’avocat de Laboral Terra, Me Philippe Licini, s’est appuyé sur les contrats de travail signés par les salariés, rédigés en espagnol et en français et datés de Villarreal en Espagne, pour prouver la réalité du travail détaché.

"Mais on nous faisait signer une minute avant de pointer, sur un capot de voiture!", s’est exclamée Yasmina, une des plaignantes. Me Petit a dénoncé quant à lui "des contrats qui parfois n’avait même pas de signature!".

Une autre salariée, la voix entrecoupée de sanglots, s’est dite "brisée par Laboral Terra" et s’est étonnée: "Pourquoi ils n’ont pas appliqué la loi française avec nous ? Ils nous traitaient moins bien que des animaux".

Elle a affirmé "travailler neuf heures sans pause, à se cacher dans les toilettes pour manger" et a raconté le cas de "ce travailleur sénégalais qui s’est coupé le doigt et qui a dû continuer à travailler toute la journée avec le sang qui coulait dans les salades".

Le conseil des Prud’hommes rendra sa décision dans cette affaire le 4 juillet.

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