France 24 : la chaîne de la cacophonie (Libération)

Audiovisuel extérieur . Evictions arbitraires et assemblée générale houleuse sur fond de guerre entre Alain de Pouzilhac et Christine Ockrent.

France 24 : la chaîne de la cacophonie (Libération)
A France 24, la chaîne d’informations internationale, on parle français, on parle anglais et on parle arabe, mais personne ne se comprend. Au point que certains doutent qu’il y ait eu un vote, hier, à l’issue de l’assemblée générale convoquée par les syndicats… Tous, cependant, savent le pourquoi de l’AG : comprendre ce qui se passe, qui est viré (ou pas), et qui, d’Alain de Pouzilhac, le PDG de l’audiovisuel extérieur de la France et de la chaîne, ou de Christine Ockrent, directrice générale déléguée de France 24, est le patron.

«Cheveu». L’histoire, vue par les salariés, ça donne ça : mercredi, le directeur adjoint de la rédaction, Albert Ripamonti, aurait été viré par Christine Ockrent. Et illico réhabilité dans ses fonctions par Alain de Pouzilhac. Qui, dans la foulée, aurait viré le directeur de la rédaction, Vincent Giret. Sans qu’aucune de ces décisions ne soit annoncée officiellement. Une chose est sûre : depuis jeudi, Vincent Giret n’a pas mis un orteil à France 24. Ce qu’en dit la direction ? Quelle direction : Ockrent ou Pouzilhac ? Aucun des deux n’accepte de s’exprimer, mais l’entourage de Christine Ockrent affirme qu’«il n’a jamais été question de toucher à un cheveu d’Albert Ripamonti, qui est un type formidable et totalement légitime». En conférence de rédaction, hier matin à la chaîne, Ockrent, selon des témoins, aurait affirmé que Pouzilhac avait viré Giret et qu’il devrait s’en expliquer.

Au fait, juste un détail au passage : que reproche-t-on à Ripamonti et/ou à Giret ? Mystère. Personne à la rédaction n’en sait rien. Ils seraient les victimes de la guerre qui oppose Pouzilhac à Ockrent : Giret a été embauché par Ockrent et Ripamonti est là depuis les débuts de la chaîne.

D’où assemblée générale hier, supposée éclaircir ce fumeux embrouillamini. Mais tout part en cacahuètes. «Au début, c’était plutôt calme, raconte une journaliste, parce que personne ne comprenait rien et puis, d’un seul coup, tout le monde s’est mis à parler en même temps et, au bout du compte, je ne sais même pas pour quoi j’ai voté.» Certains soutiennent Pouzilhac ; d’autres, peu, Ockrent. La CGT veut une motion de défiance contre la direction tandis que la CFDT évoque l’idée d’un préavis de grève afin d’obliger la direction à s’expliquer plutôt que de mettre en cause tel ou tel. Aux dires de certains, l’AG aboutit au vote d’une motion de (attention, accrochez-vous) confiance à l’endroit d’Albert Ripamonti. «Mais, affirme Sabine Mellet, du SNJ-CGT, notre syndicat organisera un vote de défiance contre la direction mercredi.» Entre-temps, la direction devrait aujourd’hui faire savoir dans un communiqué ce qu’il advient de Vincent Giret. «Il y a une ambiance de Saint-Barthélemy, se désole un journaliste, on coupe des têtes, elles repoussent aussitôt ; la rédaction est victime de la guerre des chefs.»

Mais tous les salariés, quelles que soient leurs divergences, sont d’accord sur un point : «Ça ne peut plus durer, l’ambiance est délétère.» Et de remettre en cause les cadences de travail à flux tendu et l’absence de négociations avec la direction. La chaîne serait, de plus, dans une panade financière. «On est contraint de réduire les duplex, raconte un reporter, du coup, on fait des directs au téléphone, ce n’est plus de la télé, c’est de la radio.»

Vitrine. Et France 24 de traverser encore un épisode agité de sa jeune mais déjà tumultueuse existence : une chaîne d’infos vue comme une vitrine de la France et présidée par un ancien publicitaire, ce n’est pas terrible. Mais dirigée par la compagne du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ça fait carrément mauvais genre. Du côté de la direction, on tempère : «Ils sont complémentaires : l’un est financier, l’autre est journaliste.» Sauf que les rôles se mélangent et se confondent. «On attendait de Christine Ockrent qu’elle vienne faire du journalisme, souligne un journaliste, elle n’a fait que de la politique.»

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