Face aux intellectuels, Macron ferme sur les « gilets jaunes » et ses réformes

"On ne peut pas s’arrêter à la tyrannie d’une irréductible minorité" : au cours d’un débat de 8h10 — son record – lundi soir avec 64 intellectuels, Emmanuel Macron a fermement condamné les "gilets jaunes les plus radicaux" et défendu ses réformes.

Lors de cette soirée coorganisée avec France Culture qui s’est terminée à 2H30 du matin, le chef de l’Etat a écarté toute remise en cause de ses réformes, notamment sur l’ISF et le non-cumul des mandats. Il a aussi rejeté une hausse des droits de succession comme l’expérimentation d’un revenu universel de base.

"On a insuffisamment gardé en France le capital productif qui crée des emplois. Sortir du grand débat par un grand débat sur la fiscalité du capital n’est pas la bonne réponse. Qu’on lance une réflexion internationale, j’y suis favorable, le faire en France serait un contre-signal", a-t-il répondu.

"On est rentré dans ce débat sur une taxe que payaient trop certains. Je ne crois pas qu’on s’en sorte en en faisant payer d’autres", a-t-il ajouté.

"Dans un pays où les gens ont peur pour l’héritage, je n’ouvrirai pas ce sujet de bidouiller la taxe sur les successions, car tous se sentiraient concernés", même les plus modestes, a-t-il poursuivi.

Il a défendu avec la même fermeté le non-cumul des mandats, contesté par certains au nom du contact avec le terrain. "C’est une question d’organisation du temps parlementaire. Je ne suis pas sûr que multiplier les mandats permette de mieux sentir le territoire", a-t-il dit.

Emmanuel Macron a aussi tenté de décrire la "démocratie délibérative" qu’il souhaite bâtir à l’issue du grand débat. Rejetant à la fois le "référendum permanent" et les seuls rendez-vous électoraux, il a imaginé "une démocratie délibérative qui suppose, si le consensus est estimé, qu’on prend la décision". Il a cité en exemple les référendums à l’irlandaise, qui portent sur des textes émanant du Parlement.
les "gilets jaunes", incarnation des réseaux sociaux

Pour lui, les "gilets jaunes" sont la "translation dans le réel de ce qui se passe sur les réseaux sociaux", à savoir "le langage désinhibé et la très grande violence sous couvert d’anonymat".

"Ce que je peux faire sur les réseaux sociaux, maintenant je le fais dans la rue, l’anonymat devient une cagoule, un casque, et je peux faire le pire dans un lieu qui n’est pas mien, détruire des commerces, qui n’appartiennent à personne et n’ont pas de réalité", a-t-il décrit, évoquant les violences de samedi à Paris.

"Et toutes les paroles se valent", comme sur les réseaux sociaux où "je peux insulter le président de la République sur Twitter mais aussi construire des espace de confiance avec des gens qui disent comme moi. Je ne me confronte plus aux autres", a-t-il commenté.

Répondant à l’écrivain Pascal Bruckner, qui réclamait un retour de l’ordre public, Emmanuel Macron a estimé que les violences du samedi étaient le fait d’"émeutes de casseurs, pas de manifestants" et rappelé que le gouvernement a décidé d’interdire de manifester sur les Champs-Elysées et dans plusieurs centres-villes.

Il a aussi répondu sur le creusement des inégalités, la réforme de la loi de 1905, la place de la recherche ou encore la transition écologique.

Les inégalités et l’importance de l’héritage sont "un dysfonctionnement du capitalisme contemporain, mais si j’ouvre ce débat, je tue la politique que je mène" qui mise sur la capacité à investir, a-t-il tranché.

Au passage, l’économiste Philippe Martin lui a signalé ne pouvoir évaluer l’effet de la suppression de l’ISF sans disposer des données individuelles des contribuables.

Sur la loi de 1905, il a réaffirmé qu’il ne souhaitait pas la modifier mais estimé qu’"on a un sujet avec l’islam" en particulier avec les organisations qui ont une "vision politique de l’islam" pouvant être incompatible avec les lois de la République. "On ne doit rien céder", notamment à l’école, mais "on doit pacifier cette relation", a-t-il ajouté.

Enfin, il a reconnu que sur son projet d’extension de la PMA, "certains débats ne se sont pas apaisés".

Parmi ses invités figuraient le psychologue Boris Cyrulnik, les économistes Jean Pisani-Ferry, Yann Algan et Daniel Cohen, les sociologues Luc Boltanski et Michel Wieviorka, les philosophes Frédéric Worms et Monique Canto-Sperber, le climatologue Jean Jouzel ou encore le physicien Claude Cohen-Tannoudji. Certains intellectuels de gauche ont décliné, comme l’économiste Frédéric Lordon.

Au fil de la soirée, la salle des fêtes s’est en partie vidée, ceux qui avaient déjà parlé sortant peu à peu en invoquant l’heure tardive.

Ce rendez-vous marquait le 11e grand débat du chef de l’Etat, qui a sillonné la France depuis le 15 janvier pour rencontrer des maires, des citoyens ou des jeunes d’une dizaine de régions.

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