Face à la « crise » de la pédophilie dans l’Église, des prêtres entre embarras et espoir

"Il y a dix jours, une femme m’a traité de +pédophile+, avec beaucoup de rancoeur": confrontés aux scandales sexuels à répétition, plusieurs prêtres décrivent à l’AFP un "climat de suspicion" pesant mais espèrent que l’Église saura "traverser la crise".

Les scandales d’abus sexuels, "c’est une blessure pour toute l’Église, c’est une douleur pour moi. C’est bien que les choses sortent", explique un prêtre parisien, qui préfère garder l’anonymat. Mais "on associe un peu vite le sacerdoce à des problèmes de pédophilie". C’est un climat "lourd pour les prêtres", regrette-t-il, disant ressentir "un sentiment d’injustice, parce que l’Église essaie d’affronter le scandale".

Plusieurs personnalités ont appelé samedi à créer une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur l’ampleur des crimes pédophiles dans l’Église en France.

"Il y a un climat de suspicion qui nous touche nous", renchérit un de ses pairs d’un autre diocèse, lui aussi sous couvert d’anonymat, expliquant: "On n’a pas très envie de s’exposer".

Le président de la Conférence des évêques Mgr Georges Pontier a reconnu la difficulté de leur tâche: "Je veux rendre hommage au plus grand nombre des 30.000 prêtres de France qui exercent leur ministère de manière courageuse et qui se font parfois traiter de pédophiles dans la rue !", a-t-il dit samedi au quotidien régional La Provence.

Certains refusent de s’exprimer dans un climat encore alourdi par le suicide le 18 septembre, dans son église, d’un jeune prêtre du diocèse de Rouen, Jean-Baptiste Sèbe, accusé de comportements indécents et d’agression sexuelle sur une jeune femme majeure. Certains le considèrent "comme une victime collatérale de ce climat délétère", analyse Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions.

Messages de soutien

Le père Sylvain Brison officie dans le diocèse de Nice. Pour lui, "les prêtres sont meurtris" par les scandales de pédophilie, à la fois "comme hommes, comme chrétiens et comme prêtres". Il affirme pour sa part ne pas subir de remarques désobligeantes, mais plutôt recevoir des messages de soutien. "Dans nos cercles les plus proches, les fidèles sont peinés. Ils cherchent des bases sur lesquelles avancer".

Le "contexte, complexe" a le mérite de "libérer une parole qui doit être libérée" et amène, selon lui, "à tous s’interroger sur le rapport qu’on a les uns avec les autres", selon cet enseignant en théologie à l’Institut catholique de Paris.

Sur ce dernier point, il y a le versant plutôt pessimiste, qui concerne les gestes du quotidien: "Maintenant, le moindre prêtre qui pose la main sur l’épaule d’un enfant…" est considéré comme un pédophile en puissance. Or "le Pape invite à la tendresse. Est-ce qu’on peut encore avoir des gestes de tendresse qui sonnent juste ?", se demande le prêtre parisien.

Plus optimiste, le père Brison, lui, voit dans cette crise l’occasion de réfléchir à "la formation", à "la façon de vivre son ministère", à "l’image" et la "figure même du prêtre", aux "questions de solitude, de colère" par exemple. "Il y a la possibilité de traverser la crise" et "de trouver un autre chemin".

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