Exclusif : en Libye, l’éprouvante détention de migrants subsahariens

Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, l’absence d’un État en Libye favorise les trafics en tous genres, notamment ceux des migrants. Chaque jour, des embarcations de fortune partent les côtes libyennes pour rejoindre l’Europe. Certains réussissent la traversée, d’autres se font arrêter sur le sol libyen. Notre reporter Roméo Langlois s’est rendu dans une prison de Tripoli où il a rencontré des migrants affirmant être victimes de brimades.

Lorsqu’on évoque la crise migratoire en Méditerranée, la Libye est souvent décrite comme "un verrou qui aurait sauté". Depuis la chute d’un pouvoir central fort, le pays est miné par les violences entre milices et factions politiques rivales. Cette instabilité fait les beaux jours de groupes criminels qui ont fait du littoral libyen l’un des principaux points d’embarquement clandestin vers l’Europe.

Pourtant, pour les milliers de migrants subsahariens qui fuient guerres, régimes corrompus et difficultés économiques, la Libye est tout sauf une terre d’accueil. Passages à tabac, arrestations arbitraires, confiscation de documents… les violations des droits de l’Homme sont nombreuses.

Dans le centre de détention de Tripoli, géré par le gouvernement rebelle de la capitale libyenne, près de 20 000 migrants attendent d’être libérés. "C’est un gros problème. Il faut les nourrir, tous ces gens, les loger. L’Europe nous en laisse l’entière responsabilité. Pareil pour les pays voisins, ils ne font rien pour nous aider. Le Niger, par exemple, devrait surveiller ses frontières, et stopper le flux migratoire", soupire Nasr Ahzam, directeur de la prison.

"Franchement, ça fait deux mois qu’on est là, on est fatigué, on ne mange pas. On nous frappe chaque jour. Comme des esclaves. Hier dans la nuit, il y a quelqu’un qui s’est fait casser le pied, un autre qui s’est fait casser le bras…", témoigne un migrant, lui aussi sous couvert d’anonymat.

"S’il y en a un qui se plaint d’avoir été maltraité, qu’il vienne me voir, je discuterai avec lui, assure Nasr Ahzam. Qu’ils me disent comment on l’a battu et pourquoi. Il y a certainement une raison. Ceux qui se tiennent bien, il n’y a aucune raison qu’on les maltraite."

En Libye, deux gouvernements rivaux s’affrontent par milices interposées. La communauté internationale refuse de reconnaître celui de Tripoli. Alors pour forcer l’Europe au dialogue, la politique migratoire constitue un levier de poids. "Il faut que les pays voisins et l’Union européenne coopèrent avec nous, qu’ils nous voient comme des partenaires. Sans politiser la question intérieure libyenne, comme font certains pays européens", affirme Mohammed Shaeiter, ministre de l’Intérieur du gouvernement de Tripoli.

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