Erik Izraelewicz, directeur du Monde: «Bouteflika n’a pas accordé d’entretien à notre journal»

L’affaire est loin de connaitre son épilogue. La publication par le quotidien français Le Monde, en date du mercredi 4 juillet, d’un supplément publicitaire faisant la propagande du pouvoir algérien à l’occasion du 50eme anniversaire de l’indépendance provoque des remous. Des remous au sein de la rédaction de ce quotidien du soir qui s’offusque de ces publi-reportages qui nuisent à la crédibilité du Monde.

De l’indignation chez les Algériens qui comprennent mal que les autorités de leurs pays paient des publications étrangères avec l’argent public pour se refaire une image.

Des vagues dans la presse algérienne dont certains titres dénoncent une opération de marketing facturée à un journal « français » la veille de la célébration de la fête de l’indépendance du pays.
Des vagues ensuite avec la révélation du journal El Watan qui indique que le contrat de publicité signé entre l’ANEP, l’organisme qui gère la publicité du secteur public, et Le Monde avoisine les 160 000 000 de dinars (1,6 million d’euros). Une petite fortune dans un pays où le salaire minimum garanti est de 18 000 dinars (180 euros).

Erik Izraelewicz, directeur du Monde: «Bouteflika n’a pas accordé d’entretien à notre journal»
Erik Izraelewicz, directeur du Monde: «Bouteflika n’a pas accordé d’entretien à notre journal» | DNA – Dernières nouvelles d’Algérie

Entretien avec le directeur du Monde, Erik Izraelewicz

DNA : Comment a été réalisé ce supplément du Monde pour le cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie ?
Erik Izraelewicz : Il s’agit d’un supplément publicitaire publié sous la forme d’un cahier détachable. Les rédactions du Monde et la direction de la rédaction n’ont été en aucune sorte associées à la réalisation de ce cahier. Celui-ci à été produit par une agence de communication, Mediaction International, l’interlocuteur de l’entreprise.

Les rédactions du Monde n’ont donc pas été associées ?

En aucun cas. Ce n’est pas nous qui avons rédigé ce supplément publicitaire. Il y a des agences de communication qui proposent des espaces publicitaires et Le Monde, comme tous les autres grands quotidiens ou magazines en publie régulièrement… Nous avons une charte très stricte qui définit clairement les règles de manière à éviter toute confusion entre ce qui relève de la rédaction et ce qui relève de la publicité. Cette agence a violé certaines de ces règles.

Mais le supplément a été présenté comme un produit du Monde.

Il était convenu, comme cela est toujours le cas, que l’agence devait mentionner clairement que le contenu du supplément n’a pas été élaboré par la rédaction du Monde. Cette notice est à peine visible en bas de la page. Ensuite, il fallait clairement spécifier pour les lecteurs que le supplément relève de la publicité. Nous avons rattrapé in extremis le coup en rajoutant en haut de la Une de ce supplément la mention « publi-comuniqué » parce que nous avions eu vent des méthodes de cette agence.

C’est-à-dire ?

Avant même la sortie du supplément l’agence a fait parvenir un communiqué de presse avec le logo du journal annonçant que le président Bouteflika avait accordé au Monde un entretien. Or tout cela est faux. Cette agence et la personne qui a réalisée l’entretien (Marie Hourtoule) n’ont pas le droit d’utiliser pour leur propre compte le nom et le logo de notre journal. Cette communication a semé la confusion parmi les journalistes destinataires de ce communiqué. Nous avons été abusés comme eux.

Donc le président algérien Bouteflika n’a pas parlé au Monde…

Le président algérien n’a pas accordé d’entretien à notre journal. Nous avions demandé, à plusieurs reprises, un entretien à M. Bouteflika – la dernière demande date de mars dernier. Il ne nous l’a pas encore accordé. Dans l’interview de Mme Hourtoule que vous avez-vous même publié, elle explique qu’elle n’a pas rencontré le président mais a envoyé des questions et publié les réponses. Ce n’est pas la manière dont nous pratiquons, au Monde, notre métier. Nos journalistes conduisent leurs entretiens en direct et posent les questions qu’ils souhaitent poser et non des questions convenues.

El Watan évoque un contrat de 1,5 million d’euros entre l’ANEP et Le Monde, qu’en est-il au juste ?

Je n’ai aucune connaissance du montant signé entre l’agence de communication Mediaction et les autorités algériennes.

Cette affaire provoque des remous dans Le Monde et brouille son image en Algérie que sera la suite ?
I
l y a un préjudice dont ont été victimes les rédactions du Monde, le journal et nos lecteurs. Nous nous réservons toute possibilité de faire valoir nos droits devant les juridictions compétentes.

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