En plein scandale d’espionnage américain, la France renforce les pouvoirs de ses services de renseignements

En plein scandale d’espionnage de ses présidents par les Etats-Unis, la France se dote mercredi d’un nouvel arsenal controversé renforçant les capacités légales d’écoute de ses services de renseignements, dont les opposants craignent qu’il ouvre la voie à une « surveillance de masse ».
Défendue par le gouvernement de gauche au pouvoir au nom de la lutte antiterroriste, la nouvelle loi sur le renseignement doit être adoptée définitivement dans l’après-midi à l’issue d’un ultime vote des députés.

Avalisée largement mardi soir au Sénat, elle est assurée d’un soutien confortable à l’Assemblée nationale, où la majorité socialiste et la plus grande part de l’opposition de droite devraient joindre leurs voix.

Mise en chantier l’an dernier, son élaboration a été accélérée par l’exécutif au lendemain des attentats jihadistes qui ont fait 17 morts début janvier à Paris.

De la prévention d’attentats à l’espionnage économique, le texte définit l’éventail des missions des services de renseignement, ainsi que le régime d’autorisation et de contrôle de leurs techniques d’espionnage (écoutes, pose de caméra ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc).

Selon le Premier ministre Manuel Valls, il encadrera et permettra aux services de sécurité d’être "les plus efficaces possibles face à la menace terroriste mais aussi dans la lutte contre la grande criminalité ou contre l’espionnage économique".

L’engagement du président François Hollande à saisir le Conseil constitutionnel pour "garantir" que la loi est "bien conforme" à la Constitution, une première en France, n’a pas apaisé la controverse qu’elle suscite.

Une centaine de parlementaires opposés au texte veulent aussi déposer un recours devant la même instance.

La cohorte des détracteurs rassemble associations de défense des droits, magistrats, médias et syndicats de journalistes, acteurs du numérique ainsi que des politiques de tous bords, pour certains en porte-à-faux avec leurs partis.

Les révélations de Wikileaks pas fortuites

Cette loi risque d’aboutir "à une surveillance de masse" dangereuse pour les libertés et qui "n’est pas le meilleur moyen de combattre le terrorisme", a ainsi dénoncé mercredi le député de droite et ancien ministre, Pierre Lellouche.

Au niveau international, le projet a aussi éveillé des inquiétudes notamment du Conseil de l’Europe et de l’OSCE. "Il pourrait soulever d’importantes questions de droit", a estimé le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, dans un courrier à deux députés de droite inquiets de possibles violations de la Charte européenne des droits fondamentaux.

In extremis, le gouvernement est intervenu pour faire expurger la version finale du texte d’une disposition, glissée en catimini la semaine dernière à l’initiative d’un député socialiste, qui aurait ouvert la voie à une surveillance sans contrôle des étrangers de passage en France.

Un point particulier de la loi cristallise l’adversité: la mise en place, sur les réseaux des opérateurs télécoms, d’outils d’analyse automatique (algorithmes) pour détecter par une "succession suspecte de données de connexion" une "menace terroriste". Ce dispositif est qualifié de "boîte noire" par ses détracteurs, qui le comparent aux pratiques de "surveillance généralisée" de la NSA américaine.

Dans ce contexte, la révélation de l’espionnage du président Hollande et ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac pratiqué pendant des années par la NSA apparaît tout sauf fortuite.

"On se met en position de tout analyser, et d’écouter n’importe qui, dans une société obsédée par le terrorisme. C’est le cas des Etats-Unis post-11 septembre, ce sera le cas de la France post-7 janvier avec la mise en place de la loi sur le renseignement", a dénoncé le quotidien de gauche Libération qui, avec le site d’informations Mediapart, a publié mercredi les documents Wikileaks relatant les écoutes américaines.

Les deux médias ont été ces derniers mois en pointe de la contestation de la nouvelle loi.

Le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, ancien journaliste puis directeur de la rédaction de l’influent journal Le Monde, a lui-même été dans les années 80 l’une des principales cibles d’un vaste système d’écoutes illégales mis en place à l’Elysée par l’entourage de l’ancien président socialiste François Mitterrand.

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