Emmanuel Macron subit l’effet étouffant des gilets jaunes

par Mustapha Tossa

Les samedis se suivent et se ressemblent presque. À chaque fin de semaine, Paris et les grandes villes se barricadent de crainte que les violences ne débordent. L’opinion française, voire internationale suit ce feuilleton avec angoisse. La poursuite sans discontinuer de ce processus et de ses peurs est déjà en soi un échec pour la gestion de la crise de la part de l’équipe Macron.

Ni les coups de menton du premier ministre Édouard Philippe, ni les postures de fermeté du ministre de l’intérieur Christophe Castaner n’ont réussi à faire baisser l’intensité du mouvement. Il est vrai que sur le plan des chiffres, le pavé et les ronds points de France sont loin des 300 000 manifestants mobilisés, mais la hargne et la détermination de ceux qui continuent à se mobiliser, même moins nombreux, n’est pas moins significative et dangereuse.

Pour gérer cette crise sociale inédite dans sa forme, Emmanuel Macron a du prendre sous l’effet des pressions conjuguées de la rue et des partis politiques quelques décisions qui hélas n’ont pas réussi à calmer les esprits. L’abandon de la taxe Carbone, la hausse du Salaire minimum, le lancement du débat national auraient dû être un antidote suffisant. Mais de l’avis de nombreux éditorialistes, ce qui a manqué à ces décisions c’est qu’elles intervenaient toujours de manière décalées par rapport à la tournure des contestations. Dans ce décor, Emmanuel Macron campe le personnage de celui qui cède sous la pression de la rue et dont l’équipe gouvernementale n’arrive pas à assurer le service après-vente politique.

Les couacs gouvernementaux qui ont accompagné la mise en œuvre de la hausse du salaire minimum, les tonalités contradictoires sortie de l’Elysée ( présidence de la république , de Matignon (Premier ministre) et de Bercy ( Ministère de l’économie ) sur le salaire minimum ont brouillé le message et installé un sentiment de panique, d’impréparation et d’improvisation. Même la grande idée du débat national censée être une grande occasion accordée aux Français pour réfléchir collectivement sur les réalités économiques et politiques à été phagocytée par quelques membres du gouvernement qui ont tenu à faire savoir qu’Emmanuel Macron ne changerait ni de cap ni de projet politique. Cela avait poussé les animateurs des gilets jaunes à s’interroger sur l’utilité de participer à ce genre de débat et à accuser le gouvernement d’ériger un rideau de fumée pour camoufler son impasse ou dans le meilleur des cas à organiser une messe nationale pour permettre à moindre frais à certains français d’exprimer leurs frustrations et amertumes.

Malgré les nombreuses concessions d’Emmanuel Macron, son quinquennat affronte une des pires séquences. L’aile radicale des gilets jaunes ne se contente plus de formuler des revendications à caractère sociale sociale ou économique, mais exprime des demandes politiques comme la dissolution de l’assemblée et l’organisation d’élections anticipées. Elle demande à Emmanuel Macron de revenir aux urnes pour tester la légitimité de son projet économique.

Ce qui complique d’avantage cette équation politique est que cette demande des gilets jaunes se trouve en totale harmonie avec des postures exprimées par le leadership des forces politiques d’extrême droite (Marine Le Pen) ou d’extrême gauche (Jean Luc Mélenchon). Ces deux personnalités extrêmement bienveillantes à l’égard des gilets jaunes n’ont jamais réellement avalé la couleuvre de leur défaite lors de la dernière présidentielle. Elles ont toujours monté un procès en légitimité à Emmanuel Macron et le mouvement des gilets jaunes leur a offert l’occasion de donner corps à ce procès. L’aggravation de cette crise est bénéfique dans sa totalité pour ces forces extrêmes. Plus Emmanuel Macron s’enfonce, plus il sera obligé de faire des concessions supplémentaires qui réécrivent dans son ensemble le programme politique été économique pour lequel il a été élu. Et dans le meilleur des cas pour Emmanuel Macron, cette crise le fera arriver à la fin de son quinquennat les rotules à terre incapable de vendre l’idée d’un possible second mandat, atteint lentement, sournoisement par le syndrome « François Hollande ».

Marine Le Pen et Jean Luc Mélenchon dont les clins d’œil complices commencent à faire du bruit savent que dans ces conditions où la gauche socialiste est en état de mort clinique et que la droite traditionnelle est paralysée par un déficit de leadership capable d’incarner une alternative, large boulevard est ouvert devant eux pour accomplir l’exploit qu’ils ont raté de peu en 2017.

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