Emmanuel Macron face à l’épreuve de la rue

Mardi, l’exécutif affronte sa première manifestation contre sa réforme du Code du travail. Habile jusqu’à présent, le pouvoir va-t-il durcir le ton ?

Quelle sera l’ampleur de la contestation et comment Emmanuel Macron va-t-il y faire face ? La manifestation du 12 septembre contre les ordonnances travail confrontera pour la première fois le nouveau président à la mobilisation de la rue. La CGT a appelé à manifester mardi, un an quasiment après la toute dernière mobilisation contre la loi travail, ainsi que le 21. De son côté, La France insoumise appelle à manifester le 23. Et le climat s’est tendu vendredi après le discours d’Emmanuel Macron qui, depuis Athènes, a averti qu’il serait « d’une détermination absolue » et ne « céderai(t) rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes ».

« Scandaleux », « d’un mépris incroyable » : ce mot de « fainéants » a fait bondir ses opposants politiques, de Jean-Luc Mélenchon (« Macron n’aime pas les Français ») à Marine Le Pen (« Les déclarations d’amour de Macron aux Français se multiplient »), en passant par Benoît Hamon. « De qui parle le président lorsqu’il dit qu’il ne cédera rien aux fainéants ? De ces millions de privés d’emplois et de précaires ? » s’est indigné aussi le numéro un de la CGT Philippe Martinez, fustigeant une déclaration « scandaleuse ». L’Élysée a cherché à atténuer le propos le soir même, expliquant que le président désignait « tous les conservatismes ». Le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner a affirmé dimanche qu’Emmanuel Macron visait en fait « la posture de la fainéantise » de « ceux qui n’ont pas eu le courage de faire les réformes nécessaires », notamment François Hollande, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac.

Signe d’un climat social refroidi, le Premier ministre Édouard Philippe a été accueilli samedi à Pau par les huées d’une centaine de personnes, dont la plupart protestaient contre la diminution des emplois aidés.

"Le gouvernement est dans une situation idéale pour réformer le droit du travail"

Grande inconnue, l’ampleur de la mobilisation mardi contre le président, qui a chuté dans les sondages mais fait face à des syndicats divisés. « Une mobilisation sociale est toujours imprévisible », mais elle semble affaiblie par le manque d’alternative politique, selon Jean-Daniel Levy, de Harris Interactive. Les précédentes grandes mobilisations sociales, contre la loi travail en 2016, ou la réforme des retraites, en 2010, n’ont pas fait reculer les gouvernements d’alors. Mais « une grogne monte », a relevé Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof. « Les enquêtes de popularité installent l’idée d’un président de l’injustice sociale. Avec la déclaration sur les fainéants, tous les ingrédients sont réunis pour que ça chauffe. Mais l’opposition ne repose que sur La France insoumise. »

Ex-conseiller social de Nicolas Sarkozy, Raymond Soubie, ne croit pas à de fortes tensions sociales « à court terme ». « FO et la CFDT ne rejoindront pas la CGT et SUD le 12 septembre. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, semble ne pas se faire trop d’illusions. Il essaie déjà d’élargir le champ des revendications », a-t-il commenté fin août dans une interview au Monde. Pour lui, « le gouvernement est dans une situation idéale pour réformer le droit du travail », car il s’est montré habile face aux syndicats tout en envoyant des « signaux forts » aux PME.

« Macron jette de l’huile sur le feu »

La manifestation de mardi sera aussi révélatrice de la réaction présidentielle. « C’est un moment capital, car c’est en début de mandat que s’installe l’image du président », souligne Bruno Cautrès. « Son image n’est pas stabilisée, même si on commence à voir qu’il va un peu plus à droite. S’il se raidit et fait du droit dans ses bottes façon Juppé, il n’aura plus aucun moyen de corriger son image », selon lui. « C’est lié en partie à sa communication, qui mélange des moments très calibrés et des improvisations qui partent dans le décor, avec des paroles provocantes, comme celles sur les costumes – Le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler, avait naguère lancé le ministre de l’Économie à des grévistes –, des coups de menton et des envolées lyriques depuis le Parthénon, considère-t-il. Mais termine sur une déclaration contre les fainéants et on ne retient que ça. Il jette de l’huile sur le feu. »

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