Egypte: l’Université du Caire interdit aux enseignantes le port du voile intégral

L’Université du Caire a interdit le port du voile intégral à son corps enseignant féminin durant les cours et les autres activités au sein du campus, provoquant une polémique autour de la constitutionnalité et de l’applicabilité de cette décision.

"Les membres féminins du personnel enseignant et les assistants dans l’ensemble des facultés et instituts de l’Université ne doivent pas être autorisés à donner des cours théoriques ou pratiques, ou s’occuper des laboratoires, tout en portant le niqab, pour assurer une bonne communication avec les étudiants", selon la décision du président de l’Université, Gaber Nassar.

Dans des déclarations à plusieurs médias égyptiens, M. Nassar, qui brandit d’emblée l’argument du souci de la qualité de l’enseignement, a assuré que l’interdiction n’est pas fortuite, soulignant que les décisions de l’université se fondent sur une base scientifique solide.

Et d’ajouter que la décision n’est pas contraire à la religion, puisque l’université n’aborde pas le niqab d’un point de vue de la jurisprudence islamique, notant qu’il ne fait "pas l’objet d’une interdiction absolue, mais seulement dans un cadre espace-temps limité qu’est le cours magistral".

Le responsable note avoir reçu des rapports faisant état d’une difficulté de communication entre les étudiants et les membres du corps enseignant voilées intégralement, notamment dans des disciplines comme les langues dont la transmission tient beaucoup à la prononciation et à la communication non verbale, en particulier les expressions du visage.

Il ajoute que cette considération émane aussi de l’analyse des résultats des étudiants et de l’examen de leurs doléances.

Si d’aucuns ont jugé une telle démarche légitime, considérant que les étudiants ont le droit d’identifier qui est en train de donner la conférence ou de diriger le cours, d’autres l’ont qualifiée de "dangereuse, provocatrice et anticonstitutionnelle", selon le journal francophone "Le Progrès égyptien".

Pour Mohamed Kamal, un professeur à l’université de Beni Suef, cité par le quotidien Al-Masry Al-Youm, cette mesure s’inscrit "en contradiction avec les dispositions constitutionnelles", car elle implique, selon lui, "une discrimination à l’encontre d’un code vestimentaire qui n’est pas contraire à la loi ni aux traditions sociales".

De son côté, Yasser Borhami, vice-président de "L’Appel salafiste", relève que la décision est "contraire aux enseignements du Coran et de la Sounna du Prophète", notant que si, du point de vue d’une majorité d’érudits, le niqab est "agréé" (mustahab), d’autres le considèrent "obligatoire" (fardh). "Pour cela, nul ne peut le considérer comme contraire à la Charia", juge-t-il, appelant le personnel enseignant féminin concerné à porter cette affaire devant la justice jusqu’à ce que le président de l’université revienne sur sa décision.

Contrairement à cet avis, le prédicateur Oussama El Qoussi, chercheur spécialisé dans les courants islamiques, a salué l’initiative de la direction de l’université du Caire, estimant que "le niqab n’est ni ‘fardh’ (obligation) ni pilier (rukn) de l’islam, mais plutôt une tradition bédouine".

Ainsi, soutient-il, s’il s’avère que le retrait du voile intégral durant l’enseignement donne de bons résultats, cela absout les femmes concernées d’obéir à cette pratique, étant donné que le port du niqab ne doit pas être contraire à la transmission du savoir.

Dans la même veine, Mohamed Echahat el Joundi, membre de l’Académie des recherches islamiques (Université al Azhar), a noté que le niqab n’est qu’une habitude et l’islam n’a rendu obligatoire que le port du "hijab" (voile simple), d’où, selon lui, la légitimité de la décision de l’université du Caire.

Le niqab et le hijab ont été au centre de plusieurs débats et controverses impliquant les défenseurs des libertés individuelles et les militants islamistes au cours des dernières années en Egypte.

En 2008, une polémique a été déclenchée après la décision de l’Université d’Al Azhar d’interdire le niqab dans les classes entièrement féminines et les dortoirs de filles.

Les observateurs prévoient que le débat actuel autour du niqab va se poursuivre jusqu’à ce que les parties lésées saisissent la justice ou que la direction de l’université du Caire fasse preuve de flexibilité dans la mise en œuvre de cette mesure.

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