Driss El Yazami: le scrutin du 7 octobre « a incontestablement consolidé l’ancrage démocratique du Maroc »

Driss El Yazami, président du Conseil national des Droits de l’Homme (CNDH), président de la Commission spéciale d’accréditation des observateurs, constate que le scrutin législatif du 7 octobre s’est déroulé dans un climat serein et transparent qui vient consolider l’ancrage démocratique du Royaume. Il a également constaté que tous les rapports des 4681 observateurs nationaux et internationaux attestent de la sincérité et de la régularité du scrutin. Il s’est par ailleurs interrogé sur le taux d’abstention de plus de 50%. Entretien avec Atlasinfo :

Propos recueillis par Hasna Daoudi

Le déroulement du scrutin du 7 octobre a-t-il consolidé l’encrage démocratique du Maroc ?

Driss El Yazami : Le déroulement du scrutin pour les élections législatives du 7 octobre a incontestablement et fondamentalement consolidé l’encrage démocratique du Maroc. Il a permis la libre expression de la volonté des électeurs. Il a aussi été marqué par la neutralité des autorités qui sont les deux composantes essentielles de toute compétition électorale. Quant à la campagne électorale, elle a été marquée par un climat de compétition libre qui a été parfois en termes de discours un trop aigu. On a parfois assisté à quelques dérapages. Mais fondamentalement, on a assisté à un scrutin sincère et serein. Même si on peut être inquiet par le taux de participation. Nous savons que l’abstention est ne tendance universelle, mondiale, et que ce taux d’abstention peut se trouver dans des pays comparables et même dans des pays démocratiques avancés. Il n’empêche qu’on ne peut pas nous en satisfaire. Il faut maintenant essayer de comprendre de manière scientifique et rigoureuse quels sont les ressorts de la non participation des Marocains et d’une partie de la jeunesse. Il faut garantir l’élargissement du corps électoral marocain en développant l’inscription et la participation, et en réfléchissant sur l’offre politique. Cela me semble l’une des tâches des années à venir.

Le taux de participation a atteint 43 %. Que traduit ce désamour de la chose politique ?

C’est un composite. Il peut y avoir du désintérêt ou une insatisfaction par rapport à l’offre politique, aux élites politiques, au découpage électoral. Il y a aussi à réfléchir aux modalités de l’action politique elle-même. Quelle place laissons-nous à la société civile, à l’action citoyenne ? La constitution marocaine a eu plusieurs mérites mais un de ces mérites principaux est qu’elle a consacré la démocratie représentative. C’est le Parlement qui est la seule source de la loi d’où le rôle essentiel des parlementaires et l’importance de ce scrutin législatif. Mais elle a aussi imaginé plusieurs modalités de démocratie participative : le droit de pétition, le droit d’initiative, le droit législatif, la mise sur pied de plusieurs conseils de dialogue entre le gouvernement et la société, etc. Il faut se poser la question centrale : comment élargir la participation citoyenne au scrutin législative mais aussi à toutes les échelles de la vie politiques au niveau des communes, des conseils communaux et au niveau national. Très peu de Marocains savent que depuis la Charte communale de 2006 , on a prévu des conseils pour l’égalité des chances, des sortes de conseils extra-municipaux. Plusieurs municipalités ont par ailleurs expérimenté les conseils de la jeunesse. Certains ont très bien fonctionné, d’autres pas. La question de la participation est une question qu’il faut poser de manière globale. Par exemple un des exemples sur lequel le CNDH a émis des recommandations dans son rapport sur la liberté associative publié en 2015, c’est celui de renforcer les moyens financiers nationaux de l’action associative. Un exemple très simple, en France on peut avoir un abattement fiscal si on apporte des contributions à des associations, ce n’est pas le cas au Maroc.

Le CNDH compte-t-il mener une étude-enquête sur l’absentéisme ?

Oui avec des universitaires. Il faut que nous comprenions ce qui se passe de manière scientifique et rigoureuse. Il faut le faire de manière globale. En ce moment même, on est en train de mener une expérience originale. On prépare la COP22 par la tenue de pré-COP climat au niveau des régions. Ces pré-COP sont organisés entre le conseil régional, l’université de la région, le secteur privé régional et la société civile pour aboutir de manière participative à l’élaboration de plans d’action pour l’environnement dans chaque région. Les régions sont nouvelles et ont des prérogatives plus importantes. Ce type d’exercice est aussi une modalité d’élargissement de la participation des citoyens. Il faut multiplier les modalités, les vecteurs, les types d’action pour renforcer la participation citoyenne parce qu’une démocratie moderne ne peut fonctionner que sur une démocratie participative. C’est le socle de la démocratie. Mais la crise de la participation est une crise universelle. On est déjà dans la mondialisation de ce point de vue.

Vous avez chapeauté 4681 observateurs nationaux et étrangers. Quelles étaient leurs impressions ?

Tous les rapports des observateurs nationaux et internationaux attestent de la sincérité et de la régularité du scrutin. Il y a bien évidemment quelques dépassements mais il y a les recours, lesquels seront présentés devant la Cour constitutionnelle. Je constate au passage qu’aucun des partis qui ont participé à ces élections n’a contesté la régularité et la sincérité du déroulement de ce scrutin.

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