Deux juges d’instruction sur les pas de Guéant en Libye

Les conditions d’une visite à Tripoli alimentent les spéculations sur un financement de la campagne 2007 de Sarkozy par le régime de Kadhafi.

Deux juges d’instruction sur les pas de Guéant en Libye
Avec l’enquête sur le possible financement par la Libye de la campagne présidentielle 2007 du candidat de l’UMP, Claude Guéant se retrouve pour la première fois dans le viseur direct de deux juges d’instruction. Mais depuis le début de son compagnonnage avec Sarkozy, «le Cardinal» ne cesse d’apparaître en arrière-plan dans les affaires sombres du quinquennat.

Les liens avec la Libye de Kadhafi ? Son rôle prépondérant dans les relations nouées entre la France et la dictature était connu bien avant que les enquêteurs de la Division nationale d’investigations financières et fiscales (DNIFF) ne mettent leur nez dans ses comptes. En tant que directeur de cabinet de Sarkozy au ministère de l’Intérieur, c’est Guéant, dès 2005, qui prépare la visite de son mentor à Tripoli. A-t-il pu, dès cette date, élaborer un système de financement occulte de la campagne du futur président par les richissimes dignitaires libyens ? Ce sera aux juges de le déterminer.

Ubuesque. Des notes de Ziad Takieddine, l’homme d’affaire franco-libanais très proche du «Guide» et qui se retrouve aujourd’hui à l’origine de l’enquête judiciaire, sèment le doute. Sur l’une d’elles, estampillée «confidentiel» – et aujourd’hui à la disposition de la justice -, on peut lire ces quelques phrases énigmatiques : «La visite préparatoire est inhabituelle. Elle doit revêtir un caractère secret. Pour cette raison, il sera préférable que CG [Guéant, ndlr] se déplace seul, et que le déplacement s’effectue sans fanfare.» Après l’élection de Sarkozy, Guéant entretiendra des liens très étroits avec Bachir Saleh, ex-directeur de cabinet de Kadhafi et gérant d’un fonds de 6 milliards d’euros. Une proximité qui perdure après la chute de Tripoli et éclate au grand jour au printemps dernier, avec la publication par Mediapart d’une note signée par Saleh et faisant état d’une remise de 50 millions d’euros par la Libye à la France. On est alors dans l’entre deux tours de la présidentielle. Saleh dément l’authenticité de la note et révèle en même temps qu’il vit en France, libre, malgré le mandat d’arrêt international émis contre lui. Guéant est ministre de l’Intérieur et ne s’en offusque pas. Mieux, d’après lui, Saleh bénéficie du regroupement familial (son épouse est française).

Les épisodes suivants, dont Guéant pourra difficilement renier la paternité, sont ubuesques. De passage à Paris, en mai 2012, Bachir Saleh rencontre l’ex-Premier ministre Dominique de Villepin et Alexandre Djouhri, un trouble homme d’affaires, inséparable de Guéant, dans les salons du Ritz. Puis, avec l’aide de Bernard Squarcini qui vit ses dernières heures de patron de la DCRI (renseignement intérieur), Saleh quitte la France. Quelques jours plus tard, Sarkozy est battu. «Pourquoi le ministre de l’Intérieur a exfiltré Bachir Saleh s’il n’avait rien à cacher ? s’interroge Ziad Takieddine, contacté hier. Il faut que Guéant dise enfin la vérité. Saleh a apporté beaucoup de choses de France, pas que des lettres, je suis peut-être le seul à le dire mais je vais continuer !»

L’affaire Tapie-Lagarde risque également de rattraper Guéant dans les prochains mois. L’ex-secrétaire général de l’Elysée a déjà été perquisitionné dans le cadre de cette enquête ouverte autour de l’arbitrage qui a permis à Tapie de toucher environ 400 millions d’euros en 2008. Les enquêteurs se demandent si l’Elysée a contraint Bercy à choisir l’arbitrage plutôt que la justice ordinaire pour régler le litige entre Tapie et le Crédit lyonnais sur la vente d’Adidas en 1993. «Guéant ne connaît rien au dossier», a balayé l’homme d’affaires, même s’il admet l’avoir rencontré à plusieurs reprises durant cette période. Guéant, lui, a toujours affirmé que «l’Elysée n’était pas intervenu dans la procédure Tapie».

«Cellule». En juillet 2010, le secrétaire général de l’Elysée avait été soupçonné d’avoir monté «un cabinet noir» avec des intimes de Sarkozy pour riposter aux fuites dans la presse, embarrassantes pour le ministre du Budget, Eric Woerth, mouillé dans l’affaire Bettencourt, voire pour Sarkozy. Au point qu’une enquête parallèle avait été menée par la DCRI de Squarcini qui a exploré les fadettes de journalistes du Monde pour trouver «la taupe». Guéant se défendait farouchement dans Libération d’avoir piloté «une cellule» et se contentait d’expliquer : «Nous avions à l’Elysée, sur ce sujet [Bettencourt, ndlr] comme sur d’autres, des réunions pour définir des éléments de langage et coordonner nos positions.»

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