Deux ans après sa disparition, le collectif des féministes maghrébines rend hommage à Fatema Mernissi

« Fatema Mernissi et la pensée au Maghreb » est le titre d’un ouvrage collectif pour rendre hommage à la pensée et à l’action de l’éminente sociologue et écrivaine marocaine Fatema Mernissi, et à sa contribution à l’émergence du féminisme au Maghreb. L’ouvrage est édité avec le soutien de la Fondation Rosa Luxembourg, Dano- Arabe et le Club Tahar Haddad (Tunis 2017)

Fouzia Benyoub

Elle fut l’une des pionnières des universitaires maghrébines à s’impliquer dans les combats des femmes et à apporter son soutien aux droits des femmes. Son travail interroge les textes coraniques et les hadiths pour remettre en cause la domination masculine dans les sociétés arabo-musulmanes.

Le témoignage de Nawal Saâdaoui publié dans cet ouvrage est assez éclairant : « Une grande amitié me liait à Fatema Mernissi, mais nous n’étions pas d’accord sur certaines idées. J’étais très critique dans mes écrits et mes conférences de la pensée de classes si patriarcale dans toutes les religions y compris les trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l’islam. La femme est considérée comme inférieure à l’homme et incapable de se protéger. Je respectais les idées religieuses, culturelles et artistiques, si différentes des miennes de Fatema Mernissi, y compris celles liées à la beauté féminine »

Le livre rassemble les contributions de : Fatiha Talahite (Algérie), Rachida Ennaifer, Amal Ben Aba, Emma Ben Milad (Tunisie), Nawal Sâdaoui (Egypte) Latifa Jbabdi, Fouzia Benyoub, Khadija Boutni (Maroc) et Thomas Hartmann ( Allemagne).
Ce travail collectif initié en 2016, par des féministes marocaines, algériennes et tunisiennes, au siège du club Tahar Haddad, lieu chargé d’histoire afin de reprendre le débat sur l’avenir du féminisme au Maghreb. Un débat interrompu durant les années de plomb en Tunisie.

La première partie du livre est consacrée aux axes majeurs de l’œuvre de Fatema Marnissi. La deuxième partie aborde son rôle dans le développement de sa pensée féministe au Maghreb des années 1980-90. La troisième partie est dédiée à sa vie et son œuvre.

« Pionnière, Fatema Mernissi a très tôt levé le voile sur des problématiques telles que la relation entre féminisme et islam et féminisme et pouvoir. Maghrébine, sa pensée a rejoint l’universalité, parce qu’elle a su jeter les ponts entre le monde arabe et l’occident, le Machrek et le Maghreb » note l’ouvrage.

Son livre Sexe, idéologie et islam lui a valu le surnom de « Simone de Beauvoir du Maghreb ». Le quotidien britannique The Guardian l’a citée parmi les cent femmes arabes les plus influentes. Une exploratrice de l’Islam, de la pensée musulmane et la démocratie, de la condition des femmes, des Sultanes oubliées, du Harem et l’occident, de l’Amour dans les pays musulmans du corps féminin. Et c’est grâce à ses livres sur le monde musulman, traduits en plusieurs langues qu’elle s’est fait connaître dans le monde entier.

« La dignité c’est d’avoir un rêve, un rêve fort qui vous donne une vision, un monde où vous avez une place, où votre participation, si minime soit-elle, va changer quelque chose. Vous êtes dans un harem quand le monde n’a pas besoin de vous. Vous êtes dans un harem quand votre participation est tenue pour si négligeable que personne ne vous la demande. Vous êtes dans un harem quand ce que vous faites est inutile. Vous êtes dans un harem quand la planète tourne et que vous êtes enfouie jusqu’au cou dans le mépris et l’indifférence. Une seule personne a le pouvoir de changer cette situation et de faire tourner la planète en sens inverse, et c’est personne c’est vous »

C’est ainsi que Fatema Mernissi, la sociologue, l’écrivaine et féministe s’adresse aux femmes. Toute sa vie, elle mène en symbiose sa carrière et son combat dans la société civile pour faire le pont entre les populations rurales, urbaines et le monde de la culture. Elle a fondé les « Caravanes civiques » le collectif « Femmes, familles, enfants » et a lancé la collection « Approches » aux éditions Le Fennec.

Fatima ou Fatema Mernissi, une nuance orthographique, elle tenait à Fatema, plus conforme à la prononciation arabe.

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