Depuis la Turquie, les Kurdes assistent à l’avancée des jihadistes sur Kobané

La pluie d’obus s’est faite de plus en plus drue et la colère grandit. Les Kurdes qui assistent depuis la frontière turque à l’avancée des jihadistes sur Kobané ne cachent plus leur inquiétude pour le sort de la ville syrienne, symbole du combat de tout un peuple.

Perché sur le toit d’une maison, Mahmut Yildirim observe la bataille qui se déroule sous ses yeux avec la plus grande frustration.

"La ville de Kobané est assiégée de tous les côtés", déplore ce Kurde turc de 55 ans. "Ici, on est tellement désespérés qu’on ne peut même plus manger, c’est une bataille à la vie à la mort", poursuit-il. "Ca nous déchire le coeur, on ne peut même pas apporter de pain à nos camarades qui combattent là-bas".

Depuis le début de l’offensive du groupe Etat islamique (EI) dans cette région à majorité kurde du nord de la Syrie, au moins 186.000 personnes ont fui les combats pour se réfugier en Turquie.

La coalition militaire internationale réunie par les Etats-Unis a multiplié ces derniers jours les frappes aériennes sur les positions de l’EI, mais sans réussir jusque-là à repousser leurs forces qui ont désormais atteint les faubourgs de la ville.

Jeudi, le Parlement turc a autorisé le gouvernement islamo-conservateur d’Ankara à engager ses forces armées contre les jihadistes. Mais, même si son Premier ministre Ahmet Davutoglu a promis de faire "tout ce qu’il peut" pour empêcher la chute de Kobané, la Turquie est pour l’heure restée l’arme au pied.

Cette retenue est sévèrement critiquée par la population kurde de Turquie (de 15 à 20 millions de personnes), qui considère la ville syrienne (Aïn al-Arab en langue arabe) comme sienne.

Signe de cette tension, des échauffourées ont opposé samedi, une nouvelle fois, les forces de sécurité turques à quelques centaines de manifestants kurdes qui dénoncent la passivité d’Ankara et l’accusent de laisser faire les jihadistes.

– Kobané "coeur du Kurdistan" –

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"La situation de Kobané ne semble vraiment pas bonne", constate, amer, Dilyar Seyho, 35 ans, qui a fui la ville il y a quelques jours avec une grande partie de sa famille.

"J’espère que la ville ne tombera pas parce qu’elle est vraiment le coeur du Kurdistan. Le combat va continuer même s’il ne reste plus qu’un seul combattant pour la défendre", veut-il croire.

"Si c’est nécessaire, j’irai moi-même me battre", s’exalte sa mère, Hatice Muhammed Huseyin. "Je n’abandonnerai pas Kobané tant qu’il me restera une goutte de sang dans les veines", assure-t-elle, "le monde ne sera jamais en paix si Kobané tombe".

Comme de nombreuses capitales étrangères, les Kurdes accusent le régime d’Ankara d’avoir longtemps soutenu les groupes rebelles syriens les plus radicaux, dont l’EI, avec l’espoir d’accélérer la chute du régime du président Bachar al-Assad.

La Turquie l’a toujours vigoureusement nié.

Les rebelles kurdes turc du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont prévenu le gouvernement turc que la chute de Kobané signifierait la fin du processus de paix engagé avec lui pour mettre fin au conflit qui les oppose depuis 1984.

"Les Kurdes ne font pas de différence entre Kobané et Diyarbakir", la capitale kurde de la Turquie, rappelle la députée du Parti démocratique populaire (HDP, prokurde), Sebahat Tuncel. "Le chemin de la paix en Turquie passe par Kobané".

De fait, de nombreux Kurdes de Turquie affluent tous les jours jusqu’à la frontière syrienne pour manifester leur solidarité avec leurs "frères" engagés dans les combats contre les jihadistes.

Ainsi Salih Ay, 40 ans, qui a fait plusieurs heures de route pour rallier la ville frontalière de Suruç depuis Silopi (sud-est). "Nous sommes venus ici pour arrêter un massacre", proclame-t-il, "mais le monde refuse de voir ce qui se passe".

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