Débat sur l’islam : le chemin de croix de l’UMP

Rejetée par les responsables religieux, désavouée jusque dans la majorité, perçue comme un clin d’œil au FN, la convention «sur la laïcité» prend des allures de naufrage.

Débat sur l’islam : le chemin de croix de l’UMP
Un débat sur la laïcité qui tourne au calvaire. Tel est le supplice paradoxal que s’impose Jean-François Copé. Annoncée tambour battant début 2011, alors que Nicolas Sarkozy venait de lui confier les rênes de l’UMP, l’initiative est combattue sur tous les fronts : pétitions et tribunes assassines, colère des musulmans, perplexité de François Fillon (qui n’y participera pas) et vives inquiétudes de nombreux responsables de la majorité. Et hier, à une semaine de ce périlleux débat du 5 avril (désormais baptisé «convention UMP sur la laïcité»), voici que «les responsables des cultes en France» – notamment le cardinal André Vingt-Trois, le grand rabbin Gilles Bernheim ou le président du conseil du culte musulman, Mohamed Moussaoui – représentants six religions (1), disent à leur tour leur scepticisme. Dans un texte très argumenté, publié par la Croix, les cosignataires de cette tribune ne contestent pas le besoin d’«adaptations du cadre juridique et réglementaire de la vie des cultes en France». Ils rappellent que ces questions ont fait l’objet de rapports de toutes sortes, souvent assortis de réponses concrètes aux divers problèmes que semble découvrir l’UMP. Mais ils estiment surtout qu’à «la veille de rendez-vous électoraux importants», le moment est mal choisi et qu’un parti politique, «fût-il majoritaire», n’est sans doute pas «la bonne instance pour conduire seul» une telle réflexion. «N’ajoutons pas de confusion dans la période trouble», demandent-ils, manifestement persuadés que ce débat, voulu par Copé et vivement encouragé par Sarkozy, relève de la manœuvre. Il ne leur a pas échappé que le Président s’est passionné pour le sujet après que Marine Le Pen a lancé, il y a quatre mois, sa diatribe contre «les prières de rue».

«En finir». Copé garde bon espoir que ce débat tournera finalement à son avantage, comme pour la burqa. Le texte d’interdiction qu’il préconisait était contestée jusqu’au sommet de l’Etat. «On nous disait attention, il ne faut pas nourrir l’islamophobie. Et à la fin, tout le monde était pour la loi», se souvient un proche du député-maire de Meaux.

Depuis des semaines, Copé se démène pour convaincre qu’il n’est pas question de «stigmatiser» mais d’«aider» les musulmans à vivre «dignement» leur religion. Il s’en est expliqué, en tête à tête, avec la plupart des dignitaires religieux. Il a plaidé sa bonne foi devant ses amis politiques. En vain. Hier encore, au bureau politique de l’UMP, l’ex-maire de Strasbourg Fabienne Keller, a demandé «l’annulation» du débat, tandis que le maire de Nancy, André Rossinot, disait confusément son malaise face à la «porosité» de débats qui «surfent sur les circonstances».

Les amis de Xavier Bertrand – l’ex-numéro 1 de l’UMP si souvent raillé par Copé quand il dirigeait le parti – ne se privent pas non plus de critiquer. Plus grave pour le chef du parti, son ami François Baroin, auteur en 2003 du rapport sur la laïcité qui fait référence à droite, ne cache pas son impatience d’«en finir avec tous ces débats». Il l’a dit lundi matin. Et le soir même, Copé à bout de nerf laissait exploser sa colère contre François Fillon, inquiet des risques de stigmatisation. «C’est insupportable, on le fait passer pour un sale type, pour un raciste, alors que tout est calé !» s’emporte un de ses collaborateurs.

Ambiguïté. En fait, ce débat sur «l’islam dans la république» n’a jamais levé l’ambiguïté de ses origines. Pour François Baroin et Bruno Le Maire, tous deux orateurs de la convention, il s’agit de régler certains problèmes pratiques pour désarmer Marine Le Pen afin qu’elle ne puisse pas claironner jusqu’en 2012 que l’UMP n’a rien fait sur les prières de rues ou sur la viande halal. Le candidat Sarkozy serait ainsi débarrassé du sujet. A l’inverse, la droite du parti veut agiter ces questions pendant la présidentielle. Entre les deux, Copé n’a jamais vraiment levé l’ambiguïté.

(1) Les religions catholique, protestante, musulmane, juive, orthodoxe et bouddhiste.

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