Débat sur l’Islam: Sarkozy a-t-il perdu sa clientèle musulmane?

Nicolas Sarkozy voulait séduire ce qu’il pensait être la « communauté musulmane ». Le débat de l’UMP sur la place de l’Islam a au contraire entraîné une rupture. Sa démarche clientéliste et communautariste n’a pas fonctionné malgré de nouvelles tentatives.

Débat sur l
sa clientèle conservatrice, Nicolas Sarkozy a vendu son « immigration choisie » et son Kärcher. Résultat, l’insécurité augmente et les fondements de sa politique migratoire tombent un à un. A sa clientèle dite «musulmane», il a vendu le « préfet musulman », le CFCM et l’Islam de France. Cette démarche communautariste classant les Français selon leur religion ou leurs origines, est typique du sarkozysme. Pour ce faire, il cherche à séduire des prétendus représentants d’une communauté pour les intitutionnaliser. Tant pis, si la dite communauté n’a pas le poids qu’on lui prête. et si parler d’une « communauté musulmane » assigne une identité à des gens qui se sentent avant tout français.

Ces relations avec l’Islam officiel étaient justement un des enjeux du débat sur l’Islam (ou sur la laïcité) organisé par l’UMP et annoncé par Nicolas Sarkozy. Reste à savoir si les officiels concernés allaient venir à la table des débats. Ce qui les mettait face à un dilemme : accepter un strapontin autour de la table quitte à acter une récupération politique ou rester digne en refusant d’être la caution d’un débat susceptible d’entraîner toutes les surenchères possibles.

Dilemme Kouchnérien

Compter les «musulmans», à quoi ça sert ? Même ambiguïté du côté du CFCM. Le Conseil a pendant longtemps refusé de condamner directement la tenue du débat. Tout juste, le 4 mars, le CFCM se contentait de faire part de son « inquiétude » au sujet des dérives du débat : « Les conditions d’un débat serein autour d’un principe aussi fondamental que la laïcité ne soient pas réunies » Le 10 mars, Abdallah Zekri, chargé de mission au CFCM et par ailleurs président de la Fédération de la Grande Mosquée de Paris dans le Sud-Ouest, a déchiré sa carte de membre de l’UMP devant les caméras, un joli coup médiatique.

Le 16 mars, malgré une rencontre avec Claude Guéant, le Conseil a finalement annoncé son boycott du débat et dit avoir fait part au ministre « de la vive inquiétude des musulmans de France et de sa crainte, dans ce contexte sensible, de voir ce débat ouvrir grandes les portes des dérives et des malentendus, à l’instar de celui sur l’identité nationale ». Le CFCM a toutefois souligné les « propos rassurants » du ministre de l’Intérieur. Dénoncer les dérapages d’un côté, s’assurer de bonnes relations avec le pouvoir de l’autre, la position du CFCM est décidément difficile à tenir.

Le 15 mars, également reçu par Claude Guéant, Dalil Boubakeur avait été tout aussi bienveillant avec le ministre. « Nous sommes à 200% avec le ministre : il a vidé le débat de ses questions épineuses ou qui pouvaient prêter à polémique », a annoncé le recteur saluant « une position de sagesse, une position très forte qui répond aux questions posées épisodiquement à la communauté musulmane ». Durant la rencontre, Claude Guéant avait affirmé, revenant sur les déclarations de Nicolas Sarkozy, qu’il est «constitutionnellement impossible» d’interdire les prêches en arabe.

Séduction

Peu après ces rencontres avec ces officiels de l’Islam, le ministre de l’Intérieur créait la polémique en déclarant, sur Europe1, que « Les Français, à force d’immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux, ou bien ils ont le sentiment de voir des pratiques qui s’imposent à eux et qui ne correspondent pas aux règles de notre vie sociale ». Plus récemment, la polémique est repartie quand le ministre a lancé, au sujet de l’Islam : « Cet accroissement du nombre de fidèles et d’un certain nombre de comportements posent problème ».

Sos Racisme et le Mrap ont naturellement porté plainte contre le ministre pour ses derniers propos. Mais le CFCM et la Grande Mosquée de Paris ont gardé le silence. Comme lorsque Brice Hortefeux avait de ses fameux « Auvergnats », la Grande Mosquée et le Conseil avaient refusé de se joindre aux poursuites lancées par Sos Racisme et autres. Certes, des instances religieuses n’ont pas vocation à prendre la place d’associations anti-racistes. Mais ces instances savent bien qu’une plainte les mettrait en porte-à-faux vis-à-vis du pouvoir. A l’inverse, garder le silence leur permet de conserver leur strapontin à la grande table quitte à servir d’alibi contre les accusations de dérapages xénophobes ou racistes.

Car derrière ces affichages avec des officiels musulmans et plus encore derrière la volonté de construire un Islam de France, Nicolas Sarkozy cherche à séduire une clientèle électorale. Mais le débat sur laïcité a peu pour effet pervers de le couper d’une certaine élite communautaire, d’hommes de réseaux prêt à jouer les lobbyistes. En janvier, le chef de l’Etat avait d’ailleurs nommé comme conseiller « à l’intégration » Abderramane Dahmane, chargé en réalité de gérer les relations avec les communautés (ou clientèles) étrangères. Dahmane sera limogé deux mois plus tard après avoir comparé « l’UMP de Copé » à une « peste pour les musulmans » suite au lancement du débat sur l’Islam et évoquera même la « poignée de néo-nazis » au sein du parti présidentiel et à l’origine du débat.

Récupération

Joint par Marianne2, Abderramane Dahmane confirme sa rupture avec le chef de l’Etat. « J’ai l’intention de faire une campagne ville par ville contre lui » affirme-t-il. L’ex-conseiller est particulièrement offensif contre Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP : « Si Nicolas Sarkozy garde son alliance avec Copé, aucun musulman, aucun africain ne votera pour lui ». Pourtant, lorsqu’il est arrivé au service de Nicolas Sarkozy en 2003, Abderramane Dahmane était tout à fait disposé à jouer les chargés de clientèle pour le ministre de l’Intérieur puis le chef de l’Etat : « J’ai crée des comités de soutiens. A chaque meeting, il y avait un certain nombre de musulmans ».

Mais le débat sur la laïcité mais également le discours de Grenoble l’ont finalement fait basculer : « Je fais une différence entre le Nicolas I à partir de 2003 et le Nicolas II à partir de 2010 », explique-t-il. Pour contrer le débat sur l’Islam de l’UMP, Dahmane était d’ailleurs présent à un rassemblement mardi à Paris, portant une étoile verte en signe de protestation. « Ces gens-là vont se manifester avec leur bulletin de vote », commente, Abdallah Zekri, le dirigeant du CFCM qui avait déchiré sa carte de l’UMP, contacté par Marianne2. Il estime également que « le débat sur la laïcité a éveillé beaucoup de consciences » parmi les musulmans.

Pour autant, à droite, l’idée d’une captation d’un vote « musulman » n’a donc pas disparu, quitte à créer de toute pièces une élite musulmane prêter à jouer les passerelles. Peu après le renvoi de Dahmane, l’UMP a lancé « l’Union des Français musulmans », créant en même temps une polémique sur l’utilisation du terme «franco-musulmans». Une démarche clientéliste qui montre qu’à l’UMP, l’électeur n’est plus vu comme un Français à part entière mais avant tout comme un musulman, un maghrébin ou un beur et surtout comme un nigaud.

D’où les tergiversations de la Grande Mosquée de Paris comme l’a montré le blog Hexagone de Libération.fr. Le 10 mars, le recteur Dalil Boubakeur a, dans un premier temps, refusé de se rendre à un débat « qui n’a pas lieu d’être ». Deux jours plus tard, après une rencontre avec Jean-François Copé, la Grande Mosquée a dit vouloir « apporter une contribution constructive à ce débat sur la laïcité, principe fondamental de la République cher à tous les citoyens français, et particulièrement ceux de confession musulmane ». Dernier épisode le 23 mars avec un communiqué annonçant que la Grande Mosquée « décline l’invitation qui lui a été réitérée de participer à ce débat de nature politique qui alimente un fort sentiment de stigmatisation ».

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