Débat pour les Européennes: douze candidats, quelques passes d’armes, une énorme cacophonie

Une grande cacophonie ponctuée par quelques passes d’armes: le laborieux débat télévisé, premier du genre, qui a réuni jeudi douze têtes de liste pour les Européennes, a rétabli le clivage entre souverainistes et fédéralistes, sans éviter les guerres fratricides.

Entamé sur le Brexit – une chance pour les partisans de la sortie de la France de l’UE tels François Asselineau (UPR) et Florian Philippot (Les Patriotes) ; un risque en cas d’absence d’accord qui "mettrait à quai" la moitié des pêcheurs français selon François-Xavier Bellamy (LR) -, le débat, diffusé sur France 2 et France Inter, a d’abord dévié sur les frontières.

A Benoît Hamon (Générations), qui rappelait qu’il était "favorable au maintien de Schengen", Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) a fait valoir "le bon sens", en appelant à "revenir à des frontières nationales".

Au-delà de ces positions convenues, les échanges entre les têtes de liste ont mis en exergue des guerres fratricides, alors que la quasi-totalité des formations politiques ont choisi de faire cavalier seul pour ce scrutin proportionnel à un seul tour. D’abord prévu à neuf, le débat s’est élargi sous la pression des candidats initialement non-invités, à coup de procédure devant la justice.

"Commencez pas à être casse-pied, M. Asselineau !", a d’abord prévenu M. Philippot, alors que les deux candidats affichent de grandes convergences de programme.

Yannick Jadot (EELV) et Manon Aubry (LFI) se sont pour leur part attaqués sur la manière de faire évoluer l’UE, le premier voulant rester dans les traités actuels lorsque son adversaire souhaite en changer.

Dans une cacophonie quasi-permanente, où les temps de parole de chacun étaient limités à leur part la plus congrue, le débat a permis aux candidats les plus à la peine dans les études d’opinion de tenter de mordre sur les deux favoris, Nathalie Loiseau (LREM) et Jordan Bardella (RN).

Raphaël Glucksmann (Place publique, soutenu par le PS) a ainsi sèchement interpellé, à propos des migrants: "Ni Mme Loiseau, ni M. Bellamy n’ont dit ce que devrait dire n’importe quel humaniste: on les sauve!"

A Nathalie Loiseau en particulier, M. Glucksmann s’est voulu solennel : "J’ai honte de votre oubli, Madame".

Cruel, Yannick Jadot a ironisé: "Raphaël Glucksmann pioche largement dans notre programme, c’est très bien".

Dans le camp des pro-Europe, c’est surtout Jean-Christophe Lagarde (UDI) qui s’est voulu le plus pugnace: "Je refuse de placer des douaniers sur le pont de Kehl à Strasbourg, contrairement à M. Wauquiez et Mme Le Pen".

C’est pourtant une critique sévère de l’Union européenne à laquelle se sont livrés la majorité des candidats: alors que Jordan Bardella a cité à plusieurs reprises le ministre de l’Intérieur italien d’extrême droite, Matteo Salvini, comme modèle ; la gauche s’en est pris aux "lobbies" : "le Commissaire au climat (l’Espagnol Miguel Arias Cañete) est un ancien magnat d’une compagnie pétrolière, comme si on avait confié à Dracula le camion du don du sang", a lancé le communiste Ian Brossat.

Florian Philippot s’est engouffré dans ce qu’il considère être une contradiction de la droite: "Vous avez voté tous les traités de libre-échange", a-t-il apostrophé François-Xavier Bellamy, alors que ce dernier avait reconnu plus tôt "l’échec" d’un trop grand élargissement.

Et, lorsque le candidat choisi par Laurent Wauquiez a prôné davantage de "transparence", l’eurodéputé sortant Yannick Jadot l’a rembarré: "Le groupe PPE a demandé un vote secret sur les nouvelles règles de transparence!".

Peu d’allusion dans le débat aux "gilets jaunes", si ce n’est lorsque Manon Aubry a mis sur la table la proposition de son parti d’un Référendum d’initiative citoyenne européen, comme l’a proposé le groupe FI à l’Assemblée.

Chaque candidat avait été invité à présenter un objet symbolisant "leur" Europe: à la passoire de M. Bardella et les menottes de M. Asselineau, MM. Lagarde et Glucksmann ont tous deux montré des fragments du mur de Berlin.

Sur le fond, deux propositions ont été soumises au vote des candidats. Concernant une potentielle adhésion de la Serbie à l’UE, neuf étaient contre, seuls Raphaël Glucksmann et Jean-Christophe Lagarde étant pour (François Asselineau s’est abstenu). Tout le monde était opposé à transférer le siège de la France au Conseil de sécurité de l’ONU à l’UE, à la notable exception de Benoît Hamon.

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