Dans les secrets de l’élection d’Emmanuel Hoog à l’AFP (Le Point)

Emmanuel Hoog, actuel président de l’INA, a été élu pour trois ans président de l’AFP par le conseil d’administration. Ce n’est pas une surprise dans la mesure où l’Élysée en avait fait son favori, un peu à son corps défendant, du reste. Lassé de ses neuf années à la tête de l’INA, Emmanuel Hoog menait, jusqu’à très récemment, une active campagne afin d’obtenir du château la présidence de France Télévisions à l’issue du mandat de Carolis, l’été prochain.

Il avait même contacté Rodolphe Belmer, l’homme fort des programmes de Canal+, afin de préconstituer une équipe. Belmer avait gentiment décliné… Depuis le week-end dernier, Hoog – un fabiusien, peut-être trop à gauche ? – a réalisé que la présidence de France Télévisions serait réservée par Nicolas Sarkozy à Alexandre Bompard, jeune patron d’Europe 1. L’UMP n’aurait pas compris que Sarkozy se lance de nouveau dans une "nomination d’ouverture"….

Un rapport pour feuille de route

Hoog accepte donc ce lot de consolation, qui ne sera pas une sinécure : l’AFP est à bout de souffle, sans capital, donc sans perspective de développement sur le Net et de plus en plus en retard sur l’information par rapport aux sites Internet, nettement plus réactifs. C’est une pétaudière syndicale dont Hoog hérite, alors que le gouvernement conserve sous le coude, pour quelques jours encore, le rapport Pigeat censé délivrer au nouveau président une feuille de route afin de maintenir l’AFP dans la course des grandes agences mondiales face à Reuters. Dans les grandes lignes, ce rapport renonce à modifier le statut de 1957 et propose un nouveau mode de gouvernance, ainsi que la création de filiales…

Contrairement à ses dix concurrents, Hoog n’avait donc pas fait acte de candidature pour l’AFP. Contacté par David Guiraud, vice-président de l’AFP, garant de la procédure, Hoog a intégré directement la "short list" des trois derniers candidats sélectionnés aux côtés de Philippe Micouleau (ancien patron de L’Agefi ) et Louis Dreyfus (administrateur des Inrockuptibles ). Jeudi matin, les trois derniers candidats ont été entendus. Louis Dreyfus est passé le premier, vers 10 heures. L’entretien a duré près d’une demi-heure. Puis ce fut le tour de Philippe Micouleau. Emmanuel Hoog a fermé le ban. Dreyfus avait pour lui les représentants de la PQR au sein du conseil d’administration. Micouleau fut, paraît-il, très bon, mais sa proximité avec le précédent président, Pierre Louette, en faisait la bête noire des syndicats… Hoog présenta son bilan à la tête de l’INA : une entreprise modernisée dont il utilise le trésor de guerre (les archives de la télé et de la radio) grâce à de solides accords sur les droits d’auteur… En somme, Hoog n’a pas eu besoin de tracer une stratégie pour l’AFP comme avaient dû le faire ses adversaires lors des présélections.

L’État a convaincu de la qualité de son candidat

Les témoins ont noté la grande tension dans laquelle se trouvait, jeudi matin, Laurence Franceschini, directrice du développement des médias (DDM), représentante de l’État au sein du comité de sélection de l’AFP. Une tension tout à fait compréhensible puisque, mardi, c’est elle qui, avec quatre autres représentants de l’État, avait reçu une correction publique de la part de Patrick de Carolis au sein du conseil d’administration de France Télévisions. Sur instruction de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, elle avait tenté d’imposer sa résolution au CA de France Télévisions sur la régie publicitaire (une suspension de la vente jusqu’au 30 octobre). En vain. Aucun administrateur civil ne l’a suivie. Et pour la première fois dans les annales de la télé publique, l’État fut mis en minorité…

Il lui fallait surtout éviter que cela se reproduise à l’AFP. Selon la loi de 1957, la règle du vote exige un minimum de 12 voix sur 15 au sein du conseil d’administration. Si bien que le candidat retenu doit, en principe, faire l’objet d’un consensus entre les 3 représentants de l’État et les 8 représentants de la presse. Siègent également Jean-Luc Hees (Radio France) et Patrick de Carolis (France Télévisions) ainsi que deux représentants des salariés. Carolis étant absent, il avait délégué son pouvoir à Hees.

Trois tours préliminaires avant le vote officiel

Avant de siéger formellement en conseil d’administration, les administrateurs votèrent pour faire l’écrémage. Au premier tour, Philippe Micouleau fut éliminé. Au second tour, Hoog arriva en tête face à Dreyfus. Mais la majorité n’était pas encore assez nette. Au troisième tour, le but était presque atteint : Hoog comptait alors 11 voix contre 4 à son rival. Il ne manquait plus qu’une voix. C’est alors que les administrateurs ont formellement siégé en conseil : cette fois, Hoog l’a emporté avec le minimum, soit 12 voix, et 3 abstentions (généralement, les deux salariés s’abstiennent). Le décryptage du vote est limpide : les représentants de la PQR ont lâché Louis Dreyfus pour se rallier au candidat de l’Élysée.

Bon manager, Emmanuel Hoog remporte la partie sans avoir vraiment combattu. Est-ce une position d’attente ? "Il sera le président de France Télévisions dès que la gauche passera", affirme un observateur avisé des jeux politiques dans l’audiovisuel. Ironie de l’histoire : Hoog quitte l’INA alors que son personnel est en grève… Il avait également sur le feu le lancement éventuel d’une chaîne de la Méditerranée issue de la coopération entre l’Europe et nos voisins du pourtour. Une chaîne où les pays arabes et l’État d’Israël cohabiteraient.

Son élection à l’AFP relance les spéculations pour la présidence d’Arte France qui sera libérée par Jérôme Clément à la fin de l’année. Hoog pensait, à l’origine, se rabattre sur Arte, si France Télévisions lui échappait. Qui pour présider Arte France ? Faites vos jeux, mesdames et messieurs !

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