DSK refuse de tourner la page Marcela Iacub


L’ancien patron du FMI attaque son ex-maîtresse. Mais le livre a peu de chances d’être saisi.

Après avoir enflammé certaines rédactions et les réseaux sociaux, la polémique Marcela Iacub-Dominique Strauss-Kahn se déplace ce matin sur le terrain judiciaire. Les avocats de l’ancien patron du FMI, Mes Malka et Veil, ont annoncé hier avoir assigné en référé l’auteure (et chroniqueuse à Libération) de Belle et bête, qui doit être mis en vente demain, et son éditeur, Stock, pour atteinte à l’intimité de la vie privée. DSK et ses conseils demandent l’insertion d’un encart sur chacun des ouvrages et, «à titre subsidiaire», s’ils n’obtenaient pas satisfaction sur leur première demande, la saisie du livre. Ils ont également attaqué le Nouvel Observateur, qui a publié la semaine dernière des extraits du livre, et demandent une publication judiciaire couvrant l’intégralité de la couverture de l’hebdomadaire, soit l’équivalent de la place accordée à Belle et bête. DSK demande aussi 100 000 euros de dommages et intérêts à Marcela Iacub et Stock, et la même somme au Nouvel Observateur. Sollicités, les avocats de DSK n’ont pas souhaité réagir.

L’ancien baron socialiste est-il fondé à agir ? Selon la jurisprudence, si la victime n’est pas reconnaissable, elle ne peut pas agir en violation de sa vie privée. En 2006, l’actrice Marianne Denicourt n’avait ainsi pas convaincu les juges que le personnage de Nora interprété par Emmanuelle Devos dans Rois et reine d’Arnaud Desplechin, qu’elle attaquait, reflétait sa vie. Or, DSK n’est pas une seule fois cité nommément dans le livre. Toutefois, dans l’entretien publié par le Nouvel Obs, Marcela Iacub nomme son amant sans ambiguïté, et dans le livre évoque «un homme politique français arrêté à l’aéroport de New York» (lire aussi page 24).

«Règle». La juge va arbitrer entre le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression. L’interdiction du livre semble très peu probable. Le dernier exemple en date en France est le retrait, en janvier 1996, du livre le Grand Secretdu docteur Gubler, à la demande de la famille Mitterrand pour violation du secret médical. Et encore, en 2004, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour ce retrait. Me Vincent Toledano, spécialiste du droit de la presse et des droits d’auteur, explique que «l’interdiction d’un livre en référé pour violation de la vie privée est très rarement accordée, la liberté d’expression, principe à valeur constitutionnelle, devant rester la règle».

Les exemples de démarches avortées sont nombreux : en 1965, Pablo Picasso n’a pas obtenu l’interdiction de Ma Vie avec Picasso signé de Françoise Gilot, qui venait de le quitter ; en 1997, Brigitte Bardot a demandé en vain l’interdiction du livre de son ex-mari Jacques Charrier ; ou encore, en 2008, l’ancienne épouse de Nicolas Sarkozy avait échoué dans sa démarche contre le Cécilia de la journaliste Anna Bitton.

Les juges reprennent toujours le même argument, comme dans l’affaire récente qui a opposé Anasthasie Tudieshe à son ex-mari, l’écrivain Nicolas Fargues qui, dans J’étais derrière toi (2006), avait raconté des épisodes de leur vie privée. En mai 2012, le tribunal a reconnu que ce texte reprenait «des événements réellement survenus dans la vie du couple», mais il a conclu que, «s’il est inhérent au genre littéraire que des personnes réelles deviennent des personnages, elles ne sauraient pour autant, à moins de démontrer l’existence d’un préjudice d’une toute particulière gravité, faire obstacle au droit de l’auteur de créer une œuvre de l’esprit à partir de sa propre vision, nécessairement subjective et partiale, des êtres et des événements qui appartiennent à la réalité, telle qu’il la vit et telle qu’il la recrée au travers de l’écriture et de la composition littéraire». L’ex-femme de Nicolas Fargues demandait l’insertion d’un encart sur la réédition du livre paru, il est vrai, cinq ans plus tôt. En revanche, Patrick Poivre d’Arvor a été condamné en 2011 pour avoir raconté, dans Fragments d’une femme perdue, sa relation avec une femme mariée sur la base de lettres qu’elle lui avait écrites. Il a été condamné à 33 000 euros de dommages et intérêts et, décision rare, Grasset s’est vu interdire toute «réimpression, réédition et exploitation dérivée, notamment en format de poche» du livre. PPDA a fait appel.

«Canapé». La mise en scène par DSK de sa propre vie privée (émissions télé, séances photo dans la presse, etc.) va aussi compter. Ainsi en 2011, Christophe Rocancourt, condamné (entre autres) pour abus de faiblesse sur la cinéaste Catherine Breillat, a obtenu 1 euro de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée, une somme minimum, car le tribunal a estimé que la victime avait aussi évoqué leur couple dans plusieurs ouvrages. Breillat a été condamnée pour avoir notamment écrit : «Christophe se grattait les couilles sur le canapé.» Vu les premiers extraits de Belle et bête, c’est un motif d’espoir pour DSK.

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