Cuba : Miguel Díaz-Canel, un homme moderne qui devra forger son aura

Ce « civil » de 57 ans aura la lourde tâche de poursuivre la transformation économique de l’île esquissée par le président sortant, Raúl Castro.

Il est le nouvel homme fort de Cuba. Apparatchik modèle de 57 ans, Miguel Díaz-Canel Bermudez a gravi discrètement les échelons du pouvoir jusqu’à devenir jeudi 19 avril le successeur du président sortant Raúl Castro. Né après la révolution, ce civil aux cheveux poivre et sel aura la lourde tâche de fédérer autour de sa personne, de consolider les acquis de la révolution et de poursuivre la transformation économique esquissée par Raúl Castro. Depuis qu’il a été désigné numéro deux de l’exécutif en 2013, l’homme, qu’on dit abordable, quoique peu souriant et au talent d’orateur relatif, a pris de plus en plus d’espace dans les médias d’État et représente fréquemment Raúl Castro lors de missions à Cuba et à l’étranger.

« Il y a cinq ans, nous avions déjà la certitude absolue que nous avions visé juste » en nommant M. Dúaz-Canel comme numéro deux du régime, a déclaré jeudi le président sortant, jugeant qu’il était considéré comme « le meilleur » candidat à ses yeux et pour le parti unique. « Par ses vertus, son expérience et son dévouement, il remplira avec un succès absolu la tâche qui lui a été donnée », a promis Raúl Castro. Dans les arcanes du pouvoir cubain, sa qualité de « civil » et son goût pour les jeans et les tablettes numériques détonnent. Il a su se donner une image moderne en se faisant l’avocat d’une ouverture accrue de l’île àIinternet et d’une presse plus critique.

Derrière cette représentation, il s’est appliqué à éviter toute polémique, n’accordant aucune interview et ne s’exprimant que lors d’activités publiques ou dans l’anonymat de réunions à huis clos. Ses partisans assurent qu’il « sait écouter » et insistent sur sa simplicité. Il sait toutefois aussi se montrer inflexible, comme l’a illustré l’année dernière une vidéo que la dissidence a fait fuiter. Dans ce document, il prône devant des cadres du parti l’intransigeance contre les portails internet d’information indépendants, une poignée d’ambassades et bien sûr l’opposition, illégale à Cuba.

Parcours exemplaire

Professeur d’université au début de sa carrière, cet ingénieur en électronique est rapidement devenu un cadre du tout-puissant Parti communiste cubain (PCC). En 1994, il est nommé premier secrétaire du PCC dans sa province, alors frappée comme le reste du pays par la crise causée par la coupure des subsides vitaux de Moscou. En 2003, alors en poste dans la province stratégique de Holguin (Est), riche en matières premières, il fait son entrée parmi les quinze membres du bureau politique du parti, une fonction indispensable à tout aspirant au pouvoir. D’autres dirigeants de sa génération, tels que l’ex-vice-président Carlos Lage ou les anciens ministres Roberto Robaina et Felipe Pérez Roque, ont eu des carrières plus fulgurantes jusqu’à faire figure de dauphins potentiels avant lui, mais l’imprudence les a conduits à la disgrâce.

« Nous avons tenté de préparer une dizaine de jeunes, dont la majorité est parvenue au Bureau politique (du PCC), mais nous n’avons pas pu parachever leur formation. (Díaz-Canel) fut l’unique survivant de ce groupe », a expliqué jeudi le président sortant. En mai 2009, Raúl Castro, qui a hérité trois ans plus tôt du pouvoir de son frère Fidel malade, le convoque à La Havane pour lui confier le ministère de l’Éducation supérieure, puis en mars 2012 il accède à l’une des huit vice-présidences du Conseil des ministres. Ne manquait alors que sa présence au sein du Conseil d’État, où il entre spectaculairement en 2013, accédant directement au poste de premier vice-président, soit numéro deux de facto du régime, reléguant au rang de simple vice-président son prédécesseur, le vieux compagnon de route des Castro José Ramón Machado Ventura, 87 ans.

Une aura à forger

« C’est le plus jeune parmi les hauts dirigeants, il a de longues années d’expérience, il a été le dirigeant du parti dans deux provinces (…) et il a été intégré de manière cohérente dans la vie publique », vante le politologue cubain Esteban Morales. Mais à la présidence du Conseil, M. Díaz-Canel deviendra de fait chef des armées, et devra composer avec la vieille garde des commandants « historiques », dont plusieurs pourraient encore occuper de hautes fonctions au sein du PCC et du gouvernement. Une tâche qui s’annonce ardue pour un homme dont l’expérience militaire se résume à un service de trois ans dans une unité de missiles antiaériens entre 1982 et 1985.

« Il existe à Cuba une tradition d’hommes forts à la tête de l’État », souligne l’expert cubain Arturo López-Levy, professeur à l’Université du Texas Rio Grande Valley. Or « le profil de Miguel Díaz-Canel apparaît comme plus faible (…). Il n’a pas de pouvoir au-delà de celui qui lui a été donné », ajoute l’universitaire, soulignant aussi son silence sur les thèmes « décisifs pour le pays » tels que l’économie ou la diplomatie. Raúl Castro pourra l’accompagner en gardant les fonctions de secrétaire général du parti unique, qu’il n’abandonnera à M. Díaz-Canel qu’en 2021. « Raúl a l’expérience, le leadership, et la reconnaissance pour conseiller le gouvernement et donner une cohérence au travail politique du parti en fonction des changements à mener », note M. Morales. Père de deux fils issus d’un premier mariage, M. Díaz-Canel est remarié à Lis Cuesta, universitaire spécialiste de la culture cubaine.

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