Coup de froid diplomatique entre Paris et Varsovie après un contrat d’hélicoptères perdu

« Rétrospectivement, il apparaît évident que les Polonais n’ont jamais eu l’intention d’accepter l’appel d’offres », regrette un diplomate français.

Le président français François Hollande a reporté vendredi une visite prévue le 13 octobre en Pologne, témoignant d’un coup de froid diplomatique entre Paris et Varsovie après la décision polonaise de rompre les négociations avec Airbus sur un gros contrat d’hélicoptères militaires. Paris a décidé de « reporter la tenue de consultations franco-polonaises » auxquelles François Hollande devait participer, après la rupture des négociations, a annoncé la présidence française.

Le ministère polonais de la Défense a confirmé vendredi dans une lettre au groupe Airbus qu’il annulait l’appel d’offres remporté en avril 2015 par l’industriel européen et qui portait sur 50 hélicoptères Caracal, soit 2,4 milliards d’euros. Pour les mêmes raisons, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, très impliqué dans les négociations, a aussi annulé un déplacement prévu lundi à Varsovie où il devait discuter de ce dossier, a-t-on indiqué de source diplomatique française.

Une logique de « passager clandestin »

Le gouvernement polonais conservateur, en place depuis novembre 2015, a dès le début contesté le choix de l’équipe précédente en faveur d’Airbus, au nom de la défense des usines polonaises de ses concurrents, l’américain Lockheed Martin et AgustaWestland, division du groupe italien Leonardo-Finmeccanica. « Rétrospectivement, il apparaît évident que les Polonais n’ont jamais eu l’intention d’accepter l’appel d’offres », a commenté, amère, une source diplomatique française.

Le gouvernement de Droit et justice (PiS) « manifestement ne réussit pas à comprendre les bénéfices pourtant massifs que la Pologne tire de son ancrage européen », a-t-on regretté de même source, dans une allusion aux dizaines de milliards d’euros d’aides structurelles de l’Union européenne. « Il y a une logique de passager clandestin qui consiste à bénéficier des avantages de la construction européenne tout en recherchant, dans le domaine spécifique de la défense, une relation exclusive avec les USA », a poursuivi cette source.

Les Polonais contestent tout

Dans un tel contexte, Paris qui avait déployé des moyens militaires français (avions de chasse et chars) en Pologne dans le cadre des mesures de réassurance face à la menace russe, va « réexaminer l’ensemble de ses coopérations » avec Varsovie en matière de défense, a-t-on averti de même source. Le gouvernement français est d’autant plus irrité qu’il avait lui-même annulé la vente de deux bâtiments de guerre de type Mistral à la Russie, après l’annexion de la Crimée par Moscou, afin de donner des gages des partenaires est-européens très inquiets. Les nouvelles autorités polonaises se sont engagées dans des « négociations ubuesques, contestant tout, jusqu’à la dernière minute », malgré des concessions de l’industriel « extrêmement favorables à la Pologne », a-t-on affirmé de source proche du dossier à Paris.

Le gouvernement polonais a reproché à Airbus de n’avoir pas proposé de compensations industrielles (« offset ») (c’est-à-dire d’investissements en Pologne) « répondant à l’intérêt économique et la sécurité de l’État polonais ». Selon Paris en revanche, l’industriel (dont l’État français est actionnaire) a été « extrêmement loin dans son offre » en alignant des « offset » équivalents à 100 % du montant du contrat, « du jamais-vu » dans ce type de négociations, a insisté la source proche du dossier. À titre de comparaison, le groupe Dassault s’est engagé à investir quatre milliards d’euros en Inde, soit 50 % du montant du contrat, en contrepartie de la vente de 36 chasseurs Rafale.

Les mesures de rétorsion s’annoncent aussi cinglantes du côté de l’industriel. « Airbus, qui comptait faire de la Pologne une plateforme manufacturière importante, y compris dans le domaine civil, va être amené à réexaminer sa stratégie de développement dans ce pays, voire même des investissements déjà réalisés en Pologne », a-t-on averti de même source. L’annulation de la commande constitue un coup dur pour Airbus Helicopters, filiale d’Airbus, plombé depuis deux ans par la morosité du secteur. Il emploie environ 15 000 personnes en France et en Allemagne, dont près de 9 000 à son siège de Marignane, près de Marseille (sud-ouest).

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