Corse: démonstration de force des nationalistes pour pousser l’Etat français à négocier

Plusieurs milliers de personnes ont défilé samedi en Corse dans une démonstration de force nationaliste destinée à pousser le président Emmanuel Macron à « ouvrir le dialogue » sur les revendications autonomistes, trois jours avant sa visite dans cette île française de la Méditerranée.

Quelques 6.000 manifestants, selon les autorités locales, 25.000 selon les organisateurs, ont défilé dans les rues d’Ajaccio, la capitale de l’île. Les nationalistes avaient dit espérer 8.000 participants.

"C’est une mobilisation sans précédent ces dernières années, c’est énorme", s’est réjoui auprès de l’AFP l’autonomiste Gilles Simeoni après la manifestation, qui s’est achevée dans le calme.

"C’est un message très fort qui est envoyé par les Corses. Maintenant au président de la République de dire, de parler et je l’espère de montrer qu’il a entendu ce que nous avons dit aujourd’hui", a-t-il ajouté.

La Corse a été pendant des décennies le théâtre de violences avec plus de 4.500 attentats – provoquant très majoritairement des dégâts matériels – revendiqués notamment par les militants du Front de libération nationale de la Corse (FLNC) avant qu’ils déposent les armes en 2014.

Rassemblé derrière le slogan "Demucrazia è rispettu pè u populu Corsu" ("Démocratie et respect pour le peuple corse"), le cortège était ouvert par des jeunes filles aux épaules recouvertes du drapeau corse. "Vive la lutte d’indépendance !" ou encore "Etat français assassin !", ont scandé des manifestants.

Sur la voiture de tête, on pouvait également lire "Amnistia", référence à l’une des principales demandes des nationalistes, l’amnistie des "prisonniers politiques", une vingtaine de détenus considérés comme tels par les nationalistes.

"Je pense qu’on a réussi notre pari", s’est félicité auprès de l’AFP l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni, le président de l’Assemblée de Corse. "Je crois qu’il va y avoir une mobilisation dans la durée".

Le rassemblement visait à "convaincre" le président Emmanuel Macron, d’"ouvrir un dialogue", a expliqué à l’AFP Gilles Simeoni, qui avait insisté avant la manifestation sur "l’importance" qu’elle "soit une réussite et qu’elle se passe bien, d’éviter tout débordement qui pourrait donner des prétextes à celles et ceux qui ne veulent pas d’une logique de déblocage".

Les nationalistes voulaient confirmer leur large victoire aux élections locales de décembre, qui leur a permis de prendre le contrôle de la nouvelle entité régionale corse, née le 1er janvier, une instance inédite en France qui fusionne l’ancienne région et les deux départements de l’île de 330.000 habitants.

Pour M. Simeoni, ce rassemblement est une réponse aux "fins de non-recevoir sur la quasi-totalité des dossiers" – co-officialité de la langue corse, rapprochement et amnistie des prisonniers, statut de résident corse visant à protéger les insulaires de la spéculation immobilière – qu’il a présentés la semaine dernière à Paris au Premier ministre Edouard Philippe, avec M. Talamoni.

L’entourage du Premier ministre avait semblé surpris par la déception des élus nationalistes, évoquant un "dialogue constructif". "A l’issue de cet échange, chacun a d’ailleurs convenu que nous entrions dans une nouvelle phase politique", selon des proches de M. Philippe.

A l’Elysée, l’heure est à l’attente et à l’observation. La visite du président Macron est prévue vingt ans, jour pour jour, après la mort du préfet Claude Erignac, assassiné par balles le 6 février 1998 en plein centre d’Ajaccio par un militant indépendantiste.

Compliquant un peu plus la position de Gilles Simeoni, la manifestation a compté parmi ses rangs Charles Pieri, ex-chef du Front de libération nationale corse (FLNC).

Sa présence a pu agir comme un repoussoir pour certains qui entendent se désolidariser de la période de violences indépendantistes qui a meurtri l’histoire de la Corse, en particulier l’assassinat du préfet Erignac. Peu après cette attaque, entre 28.000 et 40.000 Corses, selon les évaluations, étaient ainsi descendus dans la rue "contre la violence".

Le retour sur le devant de la scène politique corse de l’ex-dirigeant du FLNC pourrait "être utilisé par Paris pour mettre à distance un certain nombre des revendications nationalistes", résume pour l’AFP le politologue Xavier Crettiez. (afp)

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