Corruption en Espagne: Rajoy assailli par l’opposition et ses alliés

Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy s’est retrouvé isolé vendredi, menacé par une motion de censure de l’opposition socialiste et lâché par ses alliés centristes de Ciudadanos, après la condamnation de son parti conservateur dans un méga-procès pour corruption.

Le Parti socialiste (PSOE), première formation d’opposition, a déposé sa motion dans la matinée pour renverser M. Rajoy et former un gouvernement à sa place. Le vote ne pourra pas avoir lieu avant une semaine.

Pour réussir, cette motion devra être votée par 176 députés, une majorité absolue que le PSOE ne pourrait rassembler qu’en s’alliant à la gauche radicale de Podemos, qui lui a garanti son soutien, et aux petits partis nationalistes. Dont les séparatistes catalans contre lesquels le numéro un du PSOE, Pedro Sanchez, a pris position ces derniers mois.

"M. Sanchez est prêt à s’allier avec n’importe qui à n’importe quel prix", a immédiatement contré M. Rajoy, au pouvoir depuis fin 2011.

Le parti libéral Ciudadanos, devenu le principal rival de M. Rajoy dans les sondages, a lui annoncé qu’il s’opposerait à cette motion de censure. Ambitionnant de gouverner, il n’a aucune intention de porter les socialistes au pouvoir.

Mais il a en revanche exigé des élections anticipées. "La condamnation du gouvernement pour corruption a mis un terme à la législature, a lancé le chef de Ciudadanos, Albert Rivera, dans un tweet. "Nous avons besoin d’un gouvernement propre et fort qui affronte le défi séparatiste. Ou Rajoy convoque des élections ou le Congrès le fera".

Une menace difficile à mettre à exécution, Ciudadanos ne comptant que 32 députés, pas assez pour présenter sa propre motion de censure.

Dans ce contexte, M. Rajoy, fan du Real Madrid, a décidé d’annuler son voyage à Kiev pour assister samedi à la finale de la Ligue des Champions opposant le club madrilène à Liverpool.

Cette crise politique a éclaté au lendemain de la publication par la justice d’un arrêt concluant à un financement illicite du Parti populaire de M. Rajoy dans un méga-procès pour corruption.

Selon cet arrêt, le PP a bénéficié d’un vaste système de pots-de-vin contre des marchés publics dans plusieurs municipalités. Le tribunal a également conclu à l’existence d’une "caisse noire" pourtant niée par les dirigeants du PP.

"Une sentence dévastatrice pour le PP et (…) qui nuit à la réputation de l’Espagne", a affirmé M. Sanchez, pour qui "la situation de crise institutionnelle (…) n’a qu’un seul responsable et il s’appelle Mariano Rajoy".

Selon Antonio Barroso, analyste au cabinet Teneo Intelligence, la réussite de de cette motion de censure reste toutefois "improbable (20% de chances), les partis d’opposition étant incapables de se coordonner pour renverser Rajoy".

Ignacio Varela, chroniqueur politique, n’exclut pas en revanche cette hypothèse et croit vraisemblable que "Pedro Sanchez remporte la motion de censure". Avant de "convoquer tout de suite des élections" parce qu’il serait incapable de gouverner avec une alliance hétéroclite de partis de gauche, de nationalistes basques et de séparatistes catalans.

"Il peut remporter la motion de censure avec une majorité Frankestein mais pas gouverner", dit-il.

Cette incertitude a pesé sur la Bourse de Madrid qui a clôturé sur une forte baisse de 1,70% après avoir lâché près de 3% en séance. "L’Espagne semble se diriger vers de nouvelles élections", a estimé sur Twitter Angel Talavera, analyste d’Oxford Economics. Le PP de M. Rajoy n’ayant pas la majorité à la chambre des députés depuis 2015, "c’était juste une question de temps", a-t-il ajouté.

M. Rajoy n’a en tout cas pas l’intention de convoquer des élections anticipées et a évoqué le besoin de stabilité du pays. "Je veux que la législature dure quatre ans et je m’efforcerai d’y arriver", a-t-il déclaré.

Il a rappelé que le PP ferait appel de la décision de l’Audience nationale, qui le condamne à rembourser plus de 245.492 euros pour avoir participé "à titre lucratif" à ce système tentaculaire.

Vingt-neuf accusés ont été condamnés à un total de 351 ans de prison, dont l’ancien trésorier du parti Luis Barcenas, condamné à 33 ans de prison et une amende de 44 millions d’euros pour avoir détourné et dissimulé une fortune en Suisse.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite