Compléments alimentaires sous surveillance

Brûler les graisses, lutter contre le stress, renforcer ses défenses naturelles… Les promesses des compléments alimentaires sont nombreuses. L’offre de comprimés, gélules et autres traitements est pléthorique. Faut-il croire à ces effets ? Sont-ils efficaces ?
Certes, le marché a fléchi de 4 % en 2009 (1 milliard d’euros) en raison de la crise. Mais il a doublé depuis 2000, selon le Syndicat de la diététique et des compléments alimentaires (SDCA), qui regroupe soixante entreprises de compléments alimentaires (75% du marché).

Compléments alimentaires sous surveillance
L’offre est abondante. La minceur (23%) reste en tête des produits de ce type vendus en pharmacie, même s’ils ont baissé de 19 % en 2009, suivis des toniques qui, eux, ont progressé de 3 %. Un enfant sur dix et un adulte sur cinq ont pris des compléments alimentaires, plutôt des jeunes femmes de 18-24 ans qui veulent se faire maigrir, selon l’étude de l’Afssa – devenue, le 1er juillet, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Les compléments alimentaires séduisent en effet plus les femmes (22%) que les hommes (8%). Cet attrait vient de la très forte augmentation de la préoccupation des Français pour la santé : 89% pensent que la santé passe par l’alimentation, soit 16% de plus qu’il y a douze ans, selon une étude réalisée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), pour le compte du SDCA.

Cette étude montre également que plus de deux tiers des jeunes femmes ne couvrent pas leurs besoins en fer et que près de la moitié ne les couvrent pas en zinc. "Il ressort aussi un très fort risque de déficiences en magnésium, vitamine D et calcium chez les jeunes femmes et les seniors", a indiqué Pascale Hébel, directrice du département consommation du Credoc, lors d’une conférence organisée par le SDCA. Et d’ajouter que les compléments alimentaires que consomment les adultes ont de meilleurs apports en vitamines et en minéraux, tout en présentant un plus faible apport énergétique.

"Assimilés à tort à des médicaments"

Ces gélules sont souvent mal vues. "Les compléments alimentaires restent mal connus, assimilés à tort à des médicaments, explique Christelle Chapteuil, responsable de la communication du SDCA. Il y a beaucoup d’idées reçues : on en consomme trop, on n’en a pas besoin. Or, ils sont souvent utiles pour compenser des déficiences nutritionnelles."

"Nombreux sont les compléments alimentaires inutiles, voire dangereux. D’autres ont en revanche une influence bénéfique sur la santé, la forme, et même sur la beauté. Mais pas pour n’importe qui ni dans n’importe quelles circonstances", préviennent Luc Cynober, professeur de nutrition, et le docteur Jacques Fricker, médecin nutritionniste, dans leur livre La Vérité sur les compléments alimentaires (Odile Jacob, collection "Santé-vie pratique", 234 p., 19 euros).

Les deux spécialistes affirment aussi que la population française n’a pas de déficiences en vitamines, nutriments… "Nous ne constatons pas de carences, mais des déficits, des doses un peu inférieures aux apports nutritionnels conseillés (ANC), constate Marie-Christine Favrot, directrice de la direction de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires de l’Anses. Un complément alimentaire ne remplace pas l’alimentation. La vitamine C en pastilles n’est pas la vitamine des fruits."

Inquiète, l’Anses appelle à la prudence. Elle a lancé, fin 2009, un dispositif de vigilance. Un décret du 23 juin "relatif à la vigilance sur certaines denrées alimentaires " donne pour mission à l’Agence d’enregistrer tous les effets indésirables liés aux compléments alimentaires et aux aliments enrichis (en vitamines, minéraux, etc.). "L’objectif est de demander aux médecins et aux pharmaciens de déclarer tout effet indésirable. Pour l’instant, nous avons reçu environ 180 déclarations de médecins, venant aussi de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de centres de toxico-vigilance, etc., précise Mme Favrot. Nous ne rejetons pas les compléments alimentaires, mais il faut au minimum un conseil médical. Les surdosages peuvent comporter des risques."

L’Anses analyse actuellement les signalements de ces effets indésirables provoqués par des substances identiques. La presse avait fait état fin 2009 de pilules amincissantes, dont certaines, à base de thé vert, étaient soupçonnées de provoquer des atteintes du foie. Un bilan de ce dispositif de vigilance devrait être rendu public fin octobre par l’Anses, qui devrait alors rendre des avis sur certaines substances.

"Certains peuvent être nocifs"

Lors du congrès Eurocancer, en juin, le docteur Manuel Rodrigues, président de l’Association d’enseignement et de recherche des internes en oncologie (Aerio), avait mis en garde : "Certains compléments alimentaires, pris à doses très supérieures aux apports conseillés, peuvent être nocifs." Et d’ajouter : "La supplémentation en bêtacarotène peut augmenter le risque du cancer du poumon chez les patients fumeurs, les antioxydants peuvent devenir pro-oxydants."

En 2009, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait publié une étude réalisée auprès de 500 entreprises spécialisées, qui indiquait que 12,5% des produits présentaient des anomalies, comme des pratiques commerciales trompeuses ou des problèmes d’étiquetage.

"Le complément alimentaire peut être efficace et utile à condition de savoir à qui, quand et comment le recommander", alerte l’Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN), qui pointe le risque d’acheter "un produit inefficace, voire dangereux, sur Internet", ou encore de voir certains patients "substituer un complément alimentaire à leur traitement médicamenteux".

De son côté, le Syndicat des fabricants de produits naturels, diététiques et compléments alimentaires (Synadiet) estime que c’est l’une des "catégories de produits les plus encadrées réglementairement, dont les effets sur le bien-être sont avérés". Le docteur Fricker considère, quant à lui, que "l’on n’a pas besoin, la plupart du temps, de compléments alimentaires qui ne peuvent remplacer une alimentation équilibrée".

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