Chakib Benmoussa: le retour du Royaume à l’UA ouvre des opportunités pour la coopération Maroc-France dans l’intérêt des pays africains

Dans une intervention lors d’un colloque organisé vendredi au siège du Sénat à Paris sous le thème « Le Maroc, marché porteur et hub eurafricain », l’ambassadeur du Maroc à Paris, M. Chakib Benmoussa, fidèle à son approche précise et rigoureuse, a tenu d’abord à rappeler le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine, sa signification et ses implications économiques, avant d’évoquer les opportunités que ce retour promet pour la coopération France Maroc qui doit prendre en compte les intérêts des pays africains.

Atlasinfo publie l’intégralité de l’intervention de M. Benmoussa:

"Remerciements MM Larcher Pdt Sénat, Cambon Président du Groupe Amitié France-Maroc, Rossi Directeur Général Business France, Klein Président CFCIM pour l’organisation de ce colloque et l’intérêt porté au Maroc et aux relations entre nos deux pays; occasion d’échanger sur les opportunités d’affaire au Maroc et en Afrique.

L’actualité de cette semaine, marquée par le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine, m’amène à m’arrêter particulièrement sur sa signification et ses implications économiques et à partir de là sur les opportunités qu’elle ouvre pour la coopération France Maroc.

1. L’action économique du Maroc en Afrique depuis une quinzaine d’années est une réalité qui s’appuie sur:

Une Vision Royale
Le partenariat économique du Maroc avec l’Afrique s’appuie sur une histoire et des liens très anciens, mettant en jeu des dimensions tant économique qu’humaine, spirituelle ou culturelle. Il repose sur une vision optimiste de l’Afrique portée par Sa Majesté le Roi, celle de croire en une Afrique qui a un fort potentiel et qui a toutes les ressources nécessaires pour réussir son décollage économique et répondre aux besoins et aux aspirations de sa population, celle de croire dans la capacité à construire ensemble une Afrique dynamique et développée en mesure de relever les défis de la stabilité, de la pauvreté et de la durabilité, celle d’être en mesure de prendre son propre destin en main et de définir une approche de coopération équilibrée dans le cadre d’une intégration régionale favorisant la croissance et la co-émergence.

Une déclinaison de cette vision et un suivi

C’est le contexte dans lequel se sont inscrites les tournées de Sa Majesté le Roi dans plusieurs pays africains (46 visites royales dans 25 pays africains) ainsi que les nombreux accords de coopération signés entre le Maroc et ces pays (près d’un millier d’accords depuis le début des années 2000).
Ces accords viennent consacrer un processus d’ancrage réfléchi du Maroc dans son environnement africain, suivant le principe d’un développement coopératif et solidaire, fondé sur un partenariat « gagnant-gagnant » et lui donner corps sur le plan opérationnel. Le Maroc dispose de plusieurs atouts pour favoriser la promotion d’une coopération Sud-Sud multidimensionnelle, notamment la diversité de son économie et l’expertise acquise et reconnue par les partenaires africains dans de nombreux domaines, mais aussi son infrastructure de connexion au reste de l’Afrique ou son système financier solide et très présent sur le continent.

Une implication public/privé avec des résultats

Les échanges commerciaux, bien que modestes puisqu’ils représentent 6,4% des échanges commerciaux du Maroc, connaissent une croissance de près de 13% en moyenne annuelle. Les nombreux accords de coopération concluent ces dernières années ont facilité le développement des investissements privés marocains, au point qu’au cours de la dernière décennie, 63 % des investissements directs marocains à l’étranger ont été réalisés en Afrique et que le Maroc est devenu le 2ème investisseur africain en Afrique et le premier en Afrique de l’Ouest. D’importants investissements marocains ont été réalisés avec succès, dans plusieurs pays africains dans les domaines de la finance, des télécommunications, de l’énergie, des infrastructures et des mines, de la cimenterie, de l’aménagement urbain et du logement social, de l’agriculture et de l’élevage, du transport aérien et du commerce pour ne citer que ceux-là.
Le secteur financier connait un développement remarquable avec un groupe d’assurance et des banques marocaines implantées dans près de 25 pays du continent : essentiellement en Afrique de l’ouest et centrale. Il est à signaler aussi, le développement rapide de Casa Finance City, qui est devenue depuis l’année dernière la première place financière africaine, selon le classement du Global Financial Centers Index (GFCI), en passant devant la sud-africaine Johannesburg.

2. Le retour de Maroc à l’Union Africaine annonce une nouvelle étape:

Une approche continentale

Le retour du Maroc à l’Union Africaine est une consécration de la politique africaine du Maroc menée depuis le début des années 2000, mais il est en même temps le début d’une nouvelle étape qui permet de l’amplifier et de lui donner une impulsion supplémentaire à travers une approche ayant dorénavant une portée plus continentale puisqu’elle ne se limitera pas à l’Afrique de l’Ouest ou l’Afrique Centrale et englobera toutes les régions comme le montre les récents déplacements de Sa Majesté.

Une inflexion du modèle de développement: convergence Accord de Paris/ODD2030

Ce retour s’inscrit dans l’ inflexion que connait le modèle de développement de plusieurs pays du continent: un modèle plus résilient, un modèle plus sobre en carbone, un modèle qui met l’accent sur l’homme par une gestion responsable des ressources (valorisation locale, équilibre environnementaux et sociaux), une responsabilité vis à vis des générations futures (développement inclusif en accord avec les valeurs de partage, d’équité et de solidarité) et cela dans le cadre d’une approche globale : Emergence et co-développement en Afrique, indépendance énergétique et transition énergétique, convergence avec les ODD.
Cette inflexion s’est illustrée lors de la COP22 et du Sommet africain de l’action, qui s’est tenu à Marrakech sous la présidence de Sa Majesté Le Roi, en présence du Président de la République Française et de nombreux chefs d’état et de gouvernement. A cette occasion, les états africains tout en renouvelant leur engagement pour un développent éco-responsable, ont souligné l’importance qu’il convient d’accorder aux actions d’adaptation et tout le soutien que la communauté internationale devrait accorder à cette question en lui consacrant des financements beaucoup plus conséquent que ceux qui ont été prévues jusqu’à présent. Ils ont à cette occasion appuyé de nombreuses initiatives, contribuant à la réalisation des objectifs de développement durable, comme l’Initiative triple A (Adaptation de l’agriculture africaine), portée par le Maroc. Cette initiative cherche à apporter une réponse concrète à la question de la sécurité alimentaire et au besoin d’améliorer la résilience de l’agriculture africaine face aux changements climatiques. «L’initiative triple A» vise à lever un financement plus important au profit de l’Adaptation de la petite Agriculture Africaine; elle accompagnera également la structuration et l’accélération de projets agricoles, en s’appuyant sur quatre programmes: la gestion rationalisée des sols ; la maîtrise durable de l’eau agricole ; la gestion des risques climatiques et le financement solidaire des petits porteurs de projets.

Le lancement de projets structurants

Le retour à l’Union Africaine s’accompagne d’une évolution dans la nature des projets initiés, notamment l’annonce de projets stratégiques d’envergure, dont l’impact dépasse largement le bilatéral pour s’inscrire dans une dimension régionale voire continentale:

• Le projet de Gazoduc Africain Atlantique qui permettra de relier les ressources gazières du Nigéria, celles de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et le Maroc. Ce projet pourrait devenir un pont gazier entre l’Afrique et l’Europe. Ce projet contribuera à structurer un marché régional de l’électricité, et constituera une source substantielle d’énergie au service du développement industriel, de l’amélioration de la compétitivité économique et de l’accélération du développement social.
• Des projets de production de fertilisants qui ont été lancées en partenariat avec l’Ethiopie (2,2Mrds$) et le Nigeria (2,5mrds$). Ces unités contribueront à améliorer la productivité agricole et à favoriser la sécurité alimentaire et le développement rural non seulement dans ces pays mais aussi dans d’autres pays du continent.

3. La stratégie de développement économique du Maroc : de nouvelles opportunités d’investissement et une base pour la politique Africaine
La dynamique de partenariat avec l’Afrique n’aurait jamais pu donner des résultats si elle ne s’appuyait pas sur la politique économique menée au Maroc même. Politique basée sur la diversification des secteurs productifs à travers la mise en œuvre de plans sectoriels ambitieux, l’amélioration du climat des affaires pour renforcer l’attractivité des investissements, le lancement de grand projets d’infrastructure pour améliorer la compétitivité, la consolidation des équilibres macroéconomiques ou une politique déterminée d’ouverture économique sur le reste du monde. Elle bénéficie de la stabilité politique que connait le Maroc dans une région particulièrement secouée au cours des dernières années.
Sans aborder en détail ces volets qui, j’en suis sure, seront traités au cours des table-rondes, permettez-moi de souligner 3 points :

Développement régional

La stratégie du Maroc met l’accent sur le développement régional en misant sur les atouts de chaque région : si la région de Tanger a été valorisée par des investissements structurants en infrastructure comme le port Tanger Med pour tirer bénéfice de sa position géographique à 14 km de l’Europe, donnant sur la méditerranée et l’Atlantique ; la volonté du Maroc est aussi de tirer avantage de la position géographique des provinces sahariennes du sud. Le Maroc fait le pari que le Sahara peut devenir un atout en tant qu’espace de transition entre le Nord du Maroc et l’Europe d’une part et l’Afrique subsaharienne d’autre part. Dans ce sens, il y a eu le lancement d’un vaste programme de développement d’une enveloppe sur 10 ans de près de 7 milliards d’euros (54% privé, 40% Etat, 6% régions : approche contractuelle entre la région et l’Etat et le privé dans le cadre de conventions de partenariat pour la réalisation de ces projets). Ce programme vise la concrétisation et l’accélération de la régionalisation avancée ; la valorisation des ressources naturelles locales sur place pour créer de l’emploi et en faire bénéficier en priorité les populations de la région ; la mise en place d’un cadre incitatif pour l’investissement qui crée de nouvelles opportunités pour le privé ainsi que la création de pôles de compétitivité et le renforcement de la connectivité.

L’économie verte, une nouvelle filière

Au-delà de l’organisation de la COP22, le Maroc, de par sa situation géographique et sa vulnérabilité aux conditions climatiques, a depuis de nombreuses années mis en œuvre une politique volontariste d’adaptation aux aléas climatiques et de développement durable. Ce choix qui est reflété par les engagements du Maroc dans le cadre de son INDC à réduire ses émissions de GES de 32% à l’horizon 2030 signifie des investissements significatifs dans l’économie verte que le Maroc souhaite mettre à profit pour développer une filière créant de la valeur localement et de l’emploi. C’est ainsi que le Maroc déploie des politiques actives dans le domaine de l’eau, de l’énergie, de l’agriculture ou de la mobilité.

Le partenariat économique France-Maroc en renouvellement

Le développement de ces projets nécessite la conjugaison des efforts notamment pour la réalisation des investissements conséquents qui sont prévus. A cet égard, les pouvoirs publics encouragent des politiques innovantes en vue de promouvoir l’investissement privé en PPP. Ils ont mis en place des mesures relatives au cadre institutionnel et réglementaire général et des politiques spécifiques.
De même, la politique de création d’écosystèmes industriels dans des secteurs stratégiques permet, au-delà des grandes entreprises locomotives, de favoriser le développement de PME et PMI fournisseurs de service et de biens ou sous-traitants…
Le Maroc compte également jouer un rôle de premier ordre dans la coopération triangulaire : Le Maroc est considéré comme une plate-forme pour les entreprises étrangères souhaitant investir en Afrique sub-saharienne. Le Maroc offre aux compagnies internationales l’opportunité d’investir en Afrique tout en jouissant de son infrastructure légale et physique, de ses ressources humaines et de son savoir-faire. De nombreux exemples montrent que des entreprises françaises, utilisent déjà le Maroc comme un hub vers l’Afrique, que cela soit dans le domaine financier ou les banques françaises profitent des liens étroits avec leurs homologues marocaines ou que cela soit dans d’autres domaines : agro-alimentaire, industrie…
De même, que le Maroc et la France peuvent donner une dimension supplémentaire au concept de co-localisation et de co-développement en l’élargissant à l’Afrique subsaharienne et cela par le développement d’investissements qui tiennent compte des spécificité des territoires et d’une valorisation des ressources qui favorisent l’apparition d’espaces compétitifs intégrés dans l’économie mondiale.

En conclusion : La politique Africaine du Maroc est largement convergente avec celle de la France. Ces politiques sont en complémentarité et en synergie dans l’intérêt des deux pays et dans l’intérêt des pays africains, dans une approche gagnant-gagnant. Elles créent de nouvelles opportunités d’investissement qu’il convient de saisir.

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