Castaner douche les prétentions des dirigeants du CFCM

par Hasna Daoudi

Alors que tout récemment le CFCM accusait les pouvoirs publics français d’ingérence dans les affaires du Conseil français du culte musulman, voilà que pour son Iftar annuel de mardi dernier, le même CFCM fustigeait l’absence du ministre de l’Intérieur et des cultes, Christophe Castaner, à son repas de rupture du jeûne.

Et pour cause, les quatre ou cinq responsables qui tirent les ficelles au sein de cette instance, pompeusement qualifiée de représentative du culte musulman, puisent toute leur légitimité d’une proximité supposée avec tel ministre ou tel haut responsable. L’absence du ministre de l’Intérieur a douché les dirigeants du CFCM et leur prétention à se croire incontournables dans l’organisation de l’islam en France.

Si Castaner n’a pas pointé son nez à cet iftar, c’est qu’il avait prévu de faire le déplacement à Strasbourg pour l’iftar du président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) d’Alsace, Abdelhaq Nabaoui. Ce dernier est un paria pour le CFCM qui l’a révoqué de ses fonctions d’aumônier national des hôpitaux dans des conditions contestables. Son crime est d’avoir assisté à une conférence du président de l’Association Musulmane pour l’islam de France, Hakim El Karoui, un autre ennemi juré du CFCM.

Convaincu que la départementalisation, plébiscitée par 5000 acteurs locaux consultés entre juillet et septembre 2018 lors des assises départementales, est nécessaire pour organiser le culte musulman, alors que le CFCM s’y refuse, le ministre de l’Intérieur a donc boudé l’iftar mondain de l’instance parisienne pour un autre plus ancré dans les territoires.

Ce camouflet a provoqué le courroux des décideurs du CFCM, n’hésitant pas à qualifier la décision du ministre de désinvolte et d’affront, et s’est même plaint que le ministre de l’intérieur se soit rendu dans des régions auprès de CRCMs (Ndlr : les représentants régionaux du CFCM) pour assister à des iftars, « sans concertation préalable ni information du CFCM » et ce dans une « démarche de division de l’instance nationale représentative du culte musulman et des musulmans de France pour affaiblir leur rayonnement
national » !

Ce à quoi le ministre a répondu depuis Strasbourg par un lapidaire : « Je ne suis l’obligé d’aucune institution ».

« L’islam en France est en mesure de se structurer. L’État ne s’immiscera pas dans l’organisation des cultes en France. J’ai souhaité aller à la rencontre du CRCM Alsace, car il est exemplaire et souhaite faire bouger les choses alors que je vois du côté du CFCM de la frilosité. Il y a là un enjeu pour la République comme pour l’islam. L’islam se construit partout et pas seulement à Paris. Les dynamiques peuvent se construire localement », a déclaré d’emblée M. Castaner devant un parterre de personnalités, dont l’évêque de Strasbourg, le président de l’Église protestante d’Alsace-Moselle, le président de l’Union des mosquées de France (UMF), le grand rabbin de Strasbourg, le président de la grande mosquée de Strasbourg, le maire de Strasbourg, le président de la communauté bouddhiste de France, le président de l’AMIF.

Et au ministre de poursuivre que les pouvoirs publics ne se contenteraient pas d’un seul interlocuteur, appelant à veiller à ce que les cultes se dotent « de représentants réellement représentatifs ».

En privé, le ministre confiait qu’un dialogue « respectueux » et « franc » est dans l’intérêt du culte musulman », allusion explicite à un échange de M. Castaner avec le bureau politique du CFCM qui malgré les remontées de terrain a fait la sourde oreille à la départementalisation. Car celle-ci a la particularité de mettre en évidence la réelle représentativité des uns et des autres.

Le CFCM obnubilé par la réparation des sièges

La départementalisation est en effet au cœur de ce désaveu. Dans sa réforme annoncée, le CFCM a sciemment ignoré ce paramètre essentiel qui permet d’être aux plus près des préoccupations des acteurs de terrain, de mieux lutter contre le radicalisme, de mieux mutualiser les moyens des acteurs locaux pour améliorer les conditions d’exercice du culte et enfin de mieux faire entendre la voix des musulmans auprès des pouvoirs publics via les maires et les préfets.

L’Union des mosquées de France, qui a rejeté la reforme du CFCM, a appelé à faire évoluer la représentation du culte musulman pour qu’elle soit plus large, plus à l’écoute des attentes et des propositions des acteurs de terrain.

« Depuis quelques années des structures de coordination de mosquées au niveau départemental ont émergé. Le CFCM ne peut les ignorer. Redonner la parole et l’initiative aux acteurs du terrain pour que le CFCM puisse retrouver sa légitimité et sa capacité à répondre aux attentes des musulmans de France n’est plus une option, c’est une nécessité et urgence absolues », a souligné dans une tribune, signée par plusieurs responsables religieux dont les recteurs des grandes mosquées de Lyon, Strasbourg, Evry, Saint-Etienne, le président de l’UMF, Mohammed Moussaoui pour qui la réforme présentée en avril dernier par le CFCM « est complètement à l’opposé de tout ce que les musulmans de France attendent.»

Pour l’UMF, Si cette réforme est mise en œuvre, « non seulement il n’y aurait aucune évolution à signaler, mais il est à craindre que les efforts entrepris depuis des années pour améliorer les conditions d’exercice du culte musulman soient tous anéantis. ».

La réforme » du CFCM, tant attendue, « s’est réduit à quelques modifications des statuts du CFCM, a déploré l’UMF, précisant que ces modifications, qui concernent essentiellement la répartition des sièges entre fédérations et grandes mosquées est « sans aucune vision si ce n’est de faire réélire l’actuel bureau du CFCM. »

Obsédés par la répartition des sièges et le partage du pouvoir, les trois fédérations (GMP, RMF, CCMTF), à la tête de la direction actuelle, ont oublié l’essentiel. A savoir répondre aux attentes tant exprimées par les cinq millions de musulmans de France.

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