Carlos Ghosn répond ce mardi aux accusations du parquet japonais

L’empereur déchu de l’automobile Carlos Ghosn, détenu depuis mi-novembre à Tokyo pour des malversations financières présumées, a répondu mardi point par point aux accusations du parquet lors de sa première comparution publique.

"Votre Honneur, je suis innocent des accusations proférées à mon encontre. J’ai toujours agi avec intégrité et je n’ai jamais été accusé d’avoir mal agi au cours de ma carrière professionnelle de plusieurs décennies", a-t-il lancé devant le tribunal.

Récapitulatif de ce qui lui est reproché, des soupçons de dissimulation de revenus aux charges d’abus de confiance.

Dissimulation de revenus

Carlos Ghosn a été mis en examen le 10 décembre pour avoir minimisé, dans les rapports de Nissan remis aux autorités boursières, une partie de ses revenus: environ 5 milliards de yens (40 millions d’euros) sur cinq années, de 2010 à 2015.

Il est aussi soupçonné d’avoir fait de même sur la période de 2015 à 2018, pour un montant de 4 milliards de yens, mais il n’est à ce stade pas poursuivi pour ce motif.

Selon une source proche du dossier, il a procédé de la sorte en raison de l’entrée en vigueur d’une loi imposant aux administrateurs les mieux payés de divulguer leurs rémunérations.

"Tout d’un coup, M. Ghosn s’est retrouvé obligé de publier ses revenus annuels (qui s’élevaient à l’époque à 2 milliards de yens), et à partir de ce moment-là il a commencé à les diviser en deux parties: un montant déclaré, un autre non déclaré censé en théorie lui être versé au moment où il se retirerait du groupe", assure cette source.

Le but de la manoeuvre aurait été d’éviter les critiques des actionnaires et des employés, dans un pays où les PDG perçoivent des émoluments plus modestes qu’ailleurs.

Devant le juge mardi, le dirigeant de 64 ans a assuré ne "jamais avoir signé de contrat avec Nissan pour recevoir un montant fixe non divulgué".

Il y a bien eu des projets pour déterminer les revenus que M. Ghosn percevrait après sa retraite, "mais à ma connaissance, ils ont été examinés par des avocats internes et externes" au groupe, "témoignant du fait que je n’avais aucune intention de violer la loi", a ajouté le magnat de l’automobile.

Abus de confiance

Carlos Ghosn est en outre accusé d’avoir tenté de faire couvrir par Nissan "des pertes sur des investissements personnels" au moment de la crise financière d’octobre 2008, qui a fait chuter le dollar face au yen et plonger les actions de Nissan. La somme incriminée s’élève à 1,85 milliard de yens.

Pour résoudre ce problème financier, il aurait obtenu qu’un milliardaire saoudien, Khaled Juffali, se porte garant et aurait effectué ultérieurement des virements d’un montant équivalent sur le compte de ce dernier depuis un compte d’une filiale de Nissan.

Selon une source proche du dossier, il a puisé ces fonds dans "la réserve du PDG", prévue pour parer à des imprévus (catastrophes naturelles par exemple).

M. Ghosn a livré une toute autre version.

Il avait signé en 2006 et 2007 deux contrats pour lui assurer une certaine stabilité de ses revenus face à la volatilité des changes. Or, quand la crise a éclaté en 2008, "la banque m’a demandé de fournir une garantie, ce qui m’était impossible" à moins de démissionner de Nissan afin de recevoir ma pension de retraite.

Le PDG a donc décidé de demander à Nissan de se porter garant, le temps de trouver une autre solution. "Les contrats ont ensuite été de nouveau transférés à mon nom sans que Nissan n’ait à supporter aucune perte".

Quant à l’argent transféré à M. Juffali, "un partenaire de long terme de Nissan", il n’a aucun rapport avec cette affaire, a-t-il assuré. "Sa compagnie a été rémunérée de manière appropriée – en accord avec les responsables concernés du constructeur – en échange d’importants services rendus à Nissan", a insisté M. Ghosn. Il s’agissait d’aider le groupe à "réorganiser le réseau de distribution dans la région du Golfe".

Khaled Juffali Company a publié un communiqué défendant "les motifs légitimes" de ces paiements, relatifs à la résolution d’un différend avec une société locale et à l’établissement d’une usine dans le royaume.

Résidences de luxe, et autres soupçons

Nissan, qui mène l’enquête depuis des mois, accuse par ailleurs son ancien sauveur d’autres malversations, pour lesquelles il n’est pas mis en cause à ce stade par le parquet.

Le dossier mentionne l’existence de résidences de luxe à Beyrouth, à Rio de Janeiro et à Paris, achetées par l’intermédiaire d’une filiale basée aux Pays-Bas, officiellement censée financer des investissements dans des start-up.

Nissan a engagé des actions en justice pour récupérer l’accès à l’ensemble de ces propriétés, d’après une source proche du dossier.

Le constructeur soupçonne aussi M. Ghosn d’avoir rémunéré sa soeur d’un montant de 50.000 à 110.000 dollars par an, entre 2003 et 2016, pour des activités de conseil dont il n’a pas été trouvé trace. Nissan a pris des dispositions juridiques afin d’éviter toute prescription de l’affaire.

Enfin, le responsable franco-libano-brésilien aurait versé près de 40 millions d’euros à des "relations" au Liban et ailleurs (Brésil, Inde, Etats-Unis), argent provenant des caisses de Nissan.

Carlos Ghosn n’a pas répondu à ces accusations mardi.

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