Carlos Ghosn : l’étau judiciaire se resserre autour du PDG de Renault

Nouvelle désillusion pour Carlos Ghosn qui espérait sortir de prison au plus vite. La justice japonaise a enfoncé le clou vendredi 11 janvier : l’homme à l’origine de l’alliance Renault-Nissan est de nouveau mis en examen. Le parquet de Tokyo a décidé de le poursuivre en justice pour abus de confiance, mais aussi pour avoir minoré ses revenus dans plusieurs rapports boursiers du groupe Nissan entre les années 2015 et 2018.

Le 10 décembre dernier, Carlos Ghosn a déjà été mis en examen pour avoir dissimulé une partie de ses revenus sur les cinq années précédentes. Devant le tribunal de Tokyo mardi, où il apparaissait pour la première fois, amaigri et menotté, il a clamé son innocence et rejeté les allégations qui pesaient jusqu’à présent contre lui. Le principal avocat de Carlos Ghosn, Motonari Otsuru, a annoncé vendredi qu’il allait demander la libération sous caution de son client, malgré ces nouvelles inculpations. « Je vais déposer une requête de libération sous caution », a-t-il dit dans un bref communiqué.

Le PDG de Renault souffre d’une forte fièvre

Selon le parquet, l’abus de confiance est caractérisé par la tentative de Carlos Ghosn de faire couvrir par Nissan « des pertes sur des investissements personnels » au moment de la crise financière d’octobre 2008. La somme incriminée s’élève à 1,85 milliard de yens (15 millions d’euros). Pour résoudre ce problème financier, il aurait obtenu qu’un milliardaire saoudien, Khaled Juffali, se porte garant et lui aurait ultérieurement versé de l’argent issu de la « réserve du PDG ». C’était pour services réellement rendus envers Nissan, argue Carlos Ghosn. Le bras droit du capitaine d’industrie, Greg Kelly, relâché sous caution le 25 décembre, a aussi été inculpé pour le deuxième motif de minoration de revenus, tout comme Nissan, mis en examen en tant qu’entité morale ayant remis les rapports boursiers incriminés. Le constructeur japonais avait déjà été inculpé le 10 décembre pour le même motif, mais sur les cinq années précédentes.

Depuis son arrestation le 19 novembre à Tokyo, le dirigeant de 64 ans se trouve dans un centre de détention du nord de la capitale. Il souffrait mercredi soir d’une forte fièvre, qui a contraint les enquêteurs à suspendre les interrogatoires. Mais elle était retombée vendredi, a indiqué son avocat. Son épouse Carole Ghosn, qui avait jusqu’ici gardé le silence, s’était inquiétée jeudi dans un communiqué de son état de santé, déplorant « de dures conditions de détention et un traitement injuste ».

« Nous sommes anxieux », a-t-elle ajouté. Outre ces nouvelles mises en examen, le parquet peut en théorie décider d’infliger à Carlos Ghosn un quatrième motif d’arrestation, alors que de nouvelles révélations sont apparues ces derniers jours dans les médias. Le capitaine d’industrie serait alors replacé en garde à vue pour 48 heures, extensible deux fois dix jours à condition que le tribunal donne son approbation.

Malgré les revers, Renault maintient Carlos Ghosn

Dans tous les cas, sauf surprise, et ce dossier en a déjà réservé quelques-unes tant le suspect est atypique, une libération imminente semble peu probable, de l’avis même de l’équipe de défense, dont les précédentes demandes ont été retoquées. Malgré ces revers judiciaires, Renault a choisi de maintenir à sa tête le Franco-Libano-Brésilien, contrairement à ses partenaires japonais Nissan et Mitsubishi Motors qui se sont empressés de le révoquer de la présidence du conseil d’administration. Jeudi, l’état-major de la marque au losange s’est réuni pour faire le point sur l’audit interne lancé fin novembre par l’entreprise.

Aucune fraude n’a été constatée sur la rémunération des principaux dirigeants en 2017-2018, selon l’entreprise. Mais la pression monte sur la direction du groupe français alors que les révélations de presse sur les supposés agissements de Carlos Ghosn continuent de pleuvoir, au sujet de sa résidence fiscale aux Pays-Bas, où la holding qui coiffe l’alliance est basée, ou encore sur des donations à des hommes d’affaires au Liban, à Oman et ailleurs, depuis les caisses de Nissan.

Outre les fuites du bureau du procureur, l’enquête du groupe nippon continue. Elle porte aussi sur différentes structures liées à l’alliance aux Pays-Bas. Nissan accuse ainsi Carlos Ghosn d’avoir perçu une rémunération sans justification d’un milliard de yens (8 millions d’euros) l’an dernier.

Des dizaines d’inspecteurs planchent sur le dossier et plusieurs centaines de personnes sont aussi mobilisées au sein du constructeur japonais. De nombreux hauts responsables sont amenés à collaborer. Nissan a annoncé la mise en congé de José Muñoz, un proche de Carlos Ghosn qui était doté du titre de « chief performance officer ». D’après une source proche du dossier, il pourrait avoir des informations, mais il se serait peu montré coopératif pour l’instant. Arun Bajaj, responsable des ressources humaines, s’est mis lui aussi en retrait le temps que se termine l’enquête, et travaille avec les procureurs sur l’affaire.

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