Brexit: Theresa May rallie de haute lutte son gouvernement au projet d’accord

La Première ministre britannique Theresa May a obtenu de haute lutte mercredi l’aval de son gouvernement au projet d’accord de Brexit conclu la veille avec Bruxelles, lors d’un conseil des ministres marathon, étape cruciale du processus de divorce.

"La décision collective du cabinet est que le gouvernement doit approuver le projet d’accord", a déclaré Theresa May lors d’une brève allocution devant le 10 Downing Street.

"C’est un pas décisif qui va nous permettre d’avancer et finaliser l’accord dans les jours qui viennent", a-t-elle ajouté, légèrement souriante, après une réunion "passionnée" de son cabinet pendant cinq heures, lors de laquelle elle s’est attelée à convaincre ses ministres de surmonter leurs divisions sur le Brexit.

"Les choix que nous avions à faire étaient difficiles, en particulier en ce qui concerne l’Irlande du Nord", a souligné la dirigeante, estimant que le projet d’accord était "le meilleur possible".

Reprendre le contrôle

Selon Mme May, l’accord permettra au Royaume-Uni de reprendre le contrôle de "notre argent, nos lois et nos frontières, mettra fin à la liberté de mouvement, protégera les emplois, la sécurité et notre union".

Mme May, qui fera une déclaration devant les députés jeudi, doit maintenant convaincre le Parlement britannique de voter le texte, alors que son Parti conservateur est très divisé, entre partisans d’un Brexit dur et europhiles.

La confusion avait régné en fin d’après-midi, ajoutant à la fébrilité, quand le secrétaire d’Etat à la police Nick Hurd avait affirmé aux députés que la cheffe de l’exécutif ne s’exprimerait pas devant les médias. Des propos immédiatement démentis par Downing Street, entraînant un effet de yoyo sur la livre.

L’adhésion du gouvernement était indispensable pour permettre l’organisation d’un sommet exceptionnel des dirigeants européens destiné à valider l’accord de retrait. Ce sommet devrait "probablement" avoir lieu le dimanche 25 novembre, selon le Premier ministre irlandais Leo Varadkar.

Les Parlements européen et britannique devront ensuite ratifier l’accord avant la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le 29 mars 2019.

Mais dans les rues, le projet d’accord a rallié les mécontents. Plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés devant Downing Street pour réclamer le rejet du texte, à l’appel du groupe pro-Brexit "Leave means Leave". "Si l’accord passe, nous aurons des problèmes à demeurer un pays indépendant", a expliqué à l’AFP Lucy Harris, fondatrice du groupe "Leavers of London".

"C’est pourri", a résumé la septuagénaire Kathrine Denham dans la petite ville de Boston (est de l’Angleterre), qui a voté massivement pour le Brexit.

A Bruxelles, le négociateur en chef de l’UE sur le Brexit, Michel Barnier, tenait une conférence de presse à 20H00 GMT. Il s’est félicité qu’une solution ait été trouvée pour éviter une "frontière dure" entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Le président du Conseil européen Donald Tusk s’exprimera pour sa part jeudi à 7H10 GMT.

L’UE a de son côté publié le projet d’accord, long de 585 pages.

"Etat vassal"

Le projet d’accord de près de 600 pages, publié dans la soirée, prévoit un "filet de sécurité" destiné à éviter une frontière physique entre l’Irlande du Nord, membre du Royaume uni, et la république d’Irlande, membre de l’UE. Il voit l’ensemble du Royaume-Uni rester dans une union douanière avec l’UE ainsi qu’un alignement réglementaire plus poussé pour l’Irlande du Nord pendant une période de transition, jusqu’à ce que les discussions sur la future relation commerciale entre les deux parties soient conclues.

Malgré l’aval de l’exécutif, le projet d’accord est loin de faire l’unanimité. Partisans et opposants du Brexit craignent qu’il n’oblige le Royaume-Uni à se plier aux règles de l’UE pendant des années, sans avoir son mot à dire.

"Avec cet accord, nous allons rester dans l’union douanière, nous allons rester, de fait, dans le marché unique", a déploré Boris Johnson sur la BBC, estimant que cela ferait du Royaume-Uni un "Etat vassal" de l’UE.

Un accord qui "sape l’intégrité économique et constitutionnelle du Royaume-Uni" en accordant un traitement différent à l’Irlande du Nord n’est "pas acceptable", a mis en garde Arlene Foster, cheffe du parti nord-irlandais DUP, allié du Parti conservateur de Mme May et force d’appoint indispensable pour disposer d’une majorité absolue au Parlement.

Elle devait s’entretenir avec Theresa May dans la soirée.

"Je ne pourrai pas regarder mes électeurs dans les yeux et leur affirmer qu’il s’agit d’un accord meilleur que celui que nous avons en tant que membre de l’UE", a expliqué Dominic Grieve, l’un des leaders du camp pro-UE du parti conservateur.

La Première ministre écossaise, l’europhile Nicola Sturgeon, a elle jugé "dévastateur" pour l’Écosse le projet d’accord, parce qu’il favoriserait l’Irlande du Nord.

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