Brésil: dernières étapes et enjeux du processus de destitution de Dilma Rousseff

Après l’approbation le 17 avril de la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff par les députés, les sénateurs se préparent mercredi à ouvrir formellement le procès en destitution de Mme Rousseff pour maquillages des comptes publics et à l’écarter du pouvoir.

– Un vote à la majorité simple des sénateurs (41 sur 81), prévu mercredi soir ou tôt jeudi, suffira pour prononcer la mise en accusation de la présidente. Si les sénateurs votaient contre, la procédure serait enterrée ipso facto.

– Dans le cas contraire, Mme Rousseff sera alors immédiatement écartée du pouvoir pour un maximum de 180 jours, en attendant le verdict final du Sénat, transformé pour l’occasion en tribunal et présidé par le président du Tribunal suprême fédéral (STF).

Le vice-président Michel Temer assumera ses fonctions par intérim. Il prépare déjà la formation d’un gouvernement de transition.

Si Mme Rousseff n’a pas démissionné entre-temps, les sénateurs voteront ensuite, probablement en septembre, selon les analystes, pour ou contre sa destitution définitive. Deux tiers des voix sont requises (54), faute de quoi la présidente réintègrerait immédiatement ses fonctions.

L’opposition l’accuse d’avoir sciemment maquillé les comptes publics. D’abord en 2014, en pleine campagne électorale présidentielle, pour minimiser l’impact des déficits publics et de la crise économique afin de favoriser sa réélection. Puis début 2015.

Concrètement, le gouvernement de Mme Rousseff a fait supporter provisoirement à des banques publiques des dizaines de milliards de réais de dépenses incombant au gouvernement.

Selon l’opposition, Mme Rousseff a également signé des décrets engageant des dépenses supplémentaires non inscrites dans la loi de finances sans demander l’autorisation du Parlement.

Contrairement aux principales figures politiques brésiliennes, Mme Rousseff n’est en revanche pas soupçonnée de corruption à titre personnel, délit qui avait déclenché la procédure de destitution de l’ancien président Fernando Collor de Mello en 1992.

– Oui, répondent les opposants de la présidente. Ils estiment que la présidente a commis "un crime de responsabilité" administrative en violant la loi de finances, l’un des motifs de destitution prévus par l’article 85 de la Constitution brésilienne.

Le Tribunal des comptes de l’Union (TCU) a apporté de l’eau à leur moulin l’an dernier en recommandant aux députés de rejeter les comptes 2014.

– Non, répondent la présidente Dilma Rousseff et son défenseur José Eduardo Cardozo, ancien ministre de la Justice.

Mme Rousseff nie avoir commis un quelconque crime de responsabilité et se dit par conséquent victime d’une tentative de "coup d’Etat" institutionnel.

Elle argue que ses prédécesseurs ont eu recours à ces tours de passe-passe budgétaires sans avoir jamais été inquiétés.

"Il se peut que les conditions politiques soient réunies en raison de la faible popularité et du manque de soutien de la présidente au Parlement. Mais dans notre régime présidentiel, l’impeachment ne doit pas se transformer en vote de défiance car cela pourrait devenir une source d’instabilité pour n’importe quel président dans le futur", met en garde Thomaz Pereira, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas de Rio de Janeiro.

La mise à l’écart du pouvoir de Mme Rousseff est donnée comme pratiquement sûre. Une cinquantaine de sénateurs se sont dits pour et 21 contre.

Il s’agit avant tout d’un procès politique dont l’issue dépend surtout d’un rapport de force parlementaire devenu extrêmement défavorable à Mme Rousseff. Le 17 avril, une écrasante majorité de députés (367 sur 513) s’était prononcée pour la destitution de la présidente par le Sénat.

Cette situation s’explique par le récent passage à l’opposition des partis de centre-droit de la coalition parlementaire hétéroclite de Dilma Rousseff.

L’incontournable pilier de sa coalition parlementaire, le grand parti centriste PMDB, a quitté fin mars la coalition, poussé par son chef, le vice-président Temer.

Une fois la présidente écartée du pouvoir, la plupart des analystes politiques jugent hautement improbable qu’elle échappe in fine à la destitution.

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