Bernard Tapie : « Ma relation à la mort est lucide et décomplexée »

Dans une longue interview au Point parue jeudi, Bernard Tapie se confie longuement sur sa maladie, la mort, la politique et les affaires.

C’est parce qu’il n’arrivait plus à déglutir correctement que Bernard Tapie a découvert son cancer en juin 2017. "Je n’ai jamais fait de check-up et je n’ai pas de médecin traitant", raconte-ta-il au Point, dans une interview fleuve publiée jeudi, quelques semaines après la lourde opération qu’il a subie pour soigner son cancer de l’estomac et de l’œsophage. Dans cet entretien, l’homme d’affaires aborde tous les sujets : la maladie et la mort, bien sûr, mais aussi la politique et ses figures actuelles, de Sarkozy à Macron.

Le jour où Tapie apprend qu’il a un cancer

"Dans ces cas-là, personne n’échappe au coup de tonnerre. Le cancer, ça veut dire la mort", commente-t-il, décrivant ensuite "le parcours du combattant" avec une chimiothérapie décrite par les médecins comme étant "très dure, très, très dure".

L’opération
"On m’a ôté l’essentiel de l’estomac et de l’œsophage", raconte-t-il, disant se souvenir des mots prononcés par son médecin avant l’opération : "Je dois vous prévenir, cette opération, c’est comme si vous passiez sous l’autobus." Depuis, il a perdu 15 kilos, dit avoir "beaucoup de mal à se nourrir" et se prépare à une nouvelle chimiothérapie. Mais à 75 ans, Bernard Tapie assure ne pas vouloir "baisser les bras". "Le cancer, c’est le match de ma vie. Mais je ne suis pas sûr de le gagner", dit-il. "Si j’arrive à gagner contre le cancer, ça sera bien supérieur à la victoire en Ligue des champions", ajoute-t-il encore.

La mort… et la vie

"Ma relation à la mort est lucide et décomplexée, sans crainte et sans peur", dit-il. "La vie est trop belle. Mais n’attends pas d’avoir perdu la santé pour te rendre compte qu’elle est essentielle", explique-t-il encore

Sa fortune personnelle

"Il me reste suffisamment pour rembourser ce que je dois. Si mon cancer me laisse vivre, je ne m’inquiète pas de comment je vais vivre : je vais vivre!", dit-il. Bernard Tapie confirme par exemple que l’hôtel particulier de la rue des Saints-Pères à Saint-Germain-des-Près, à Paris, lui appartient encore. Il y loge d’ailleurs toute sa famille, jusqu’à son arrière-petit-fils.

L’affaire du Crédit Lyonnais
"J’ai envie d’en finir avec cet autre cancer qui date de 1995 et qui n’hypothèque pas ma vie à moi, mais qui pourrit la vie de ceux que j’aime : l’affaire du Crédit Lyonnais", dit-il. "En m’engageant en politique, je savais ce que je risquais. J’ai pris ce risque et je l’ai payé", ajoute-t-il encore en commentant cette affaire. Celle-ci est aussi liée à la pire défaite de sa vie : quand son appel est rejeté. "Ce jour-là, j’ai eu envie de me foutre en l’air", dit-il.

La pire chose qu’il ait vécue
"Les procès ont été la pire chose. Pas la prison. Quand je suis arrivé à la Santé, j’ai été accueilli par un concert de casseroles. Aujourd’hui encore, personne ne me considère comme un taulard! Ce qui m’a le plus atteint, c’est le procès dans l’affaire VA-OM", raconte-il.

Ses regrets

"J’ai mal managé l’équipe de l’OM dans la première finale de Coupe d’Europe à Bari [contre l’Etoile Rouge de Belgrade, Ndlr]. J’avais mis une telle pression sur les joueurs qu’ils ont raté leur match. Trop de pression nuit autant que pas assez. Mais je me suis racheté à Munich", confie-t-il au Point.

Sa fierté

La liste est longue, Bernard Tapie dit en effet avoir "plusieurs" fiertés : "Avoir redressé Adidas, avoir joué au théâtre le rôle de Jack Nicholson dans Vol au-dessus d’un nid de coucou. En sport, ex-aequo, la nouvelle victoire d’Hinault au Tour de France [Bernard Tapie était directeur général de l’équipe cycliste La Vie Claire entre 1984 et 1988] et la Ligue des champions, et à la télé Ambitions. Plus récemment mais pas le plus facile, le redressement de La Provence."

La politique
Pour réussir en politique, dit-il, il faut "être intelligent, avoir du courage et beaucoup d’ingratitude".

Jean-Marie Le Pen
Interrogé sur l’aspect théâtral de ses nombreux débats avec Jean-Marie Le Pen dans les années 90, Bernard Tapie répond : "Tu te fous de ma gueule? Plus aucun homme politique ne voulait débattre avec lui (…) Moi, un mec qui nie les chambres à gaz, j’ai plutôt envie de lui mettre un pain dans la gueule que de jouer au théâtre avec lui. Avant notre face-à-face sur TF1, j’étais décidé à lui mettre une paire dans la gueule s’il ne la fermait pas. Il l’avait senti. Le Pen, c’est un animal, un bestial. Il n’a pas bronché."

François Hollande

"Il a été pour moi le plus mauvais président de la Ve République, il a mis la France dans un état d’esprit qu’elle n’a jamais connu. Les jeunes contre les vieux ; ceux qui travaillent contre les chômeurs ; les pauvres contre les riches (…) Le type qui incarne cette médiocrité, c’est Michel Sapin", commente Bernard Tapie.

Nicolas Sarkozy

Bernard Tapie juge que Nicolas Sarkozy a été "globalement" un bon président. Il estime par exemple que l’ancien chef de l’Etat a "réellement sauvé le système économique en Europe" en pleine crise des subprimes.

Ségolène Royal

"Elle a des qualités, mais pas au point de devenir présidente! Rappelez-vous, [en 2007] elle marchait sur l’eau, elle était carrément habitée", dit-il de l’ancienne candidate à la présidentielle.

Emmanuel Macron
"Je n’ai pas envie de vous faire une réponse qui ressemble à l’analyse du café du commerce. A l’instant où vous me posez la question, sur le plan humain, j’ai le sentiment d’avoir affaire à un homme sensible et intelligent. Mais, sur le plan politique, attendons de voir la manière dont il passera les chicanes qu’il a lui-même tracées", analyse Bernard Tapie.

Le JDD

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