Bachar al Assad, bénéficiaire du compromis iranien ?

Il y a un homme qui a dû sabrer le champagne le jour où les Iraniens ont signé leur compromis historique avec les américains. C’est le président syrien Bachar al Assad. Ses médias ont célébré cette signature avec de grands éclats de bonheur et de satisfaction. Cette heureuse tonalité en provenance de Damas a cette singulière particularité, c’est qu’elle se contredit frontalement avec les évolutions militaires sur le terrain. L’armée régulière vit, de l’aveu même du président syrien, une période difficile. La morale des troupes est au plus bas. Les pertes sont énormes et les abandons du terrain au profit de l’opposition armée dont Daech est la matrice principale, sont significatifs.

Par Mustapha Tossa

Et pourtant Bachar al Assad a toutes les raisons d’entonner cet air de victoire propre aux résistants et aux parias. Il se présente à son opinion et à ses alliés comme le champion qui a su résister pendant quatre ans à la plus dévastatrice des coalitions. Celle là même qui a vu se conjuguer en un seul effet de souffle l’expertise militaire des américains, le lobbying intensif des européens et la hargne rancunière des pays du golfe. Qu’il puisse encore tenir relevait déjà du miracle que certains avait attribué à un mélange de machiavélisme hérité de son père et à une savante exploitation opportuniste du contexte international.

Le voilà qui résiste à toutes les bourrasques, malgré les immenses moyens déployés pour le démanteler. Il est vrai que le véritable tournant de la crise syrienne est intervenu lorsque sous la protection et la médiation de Moscou, Bachar al Assad a promptement accepté de mettre son arsenal chimique sous contrôle international. Mais même cette démarche avait pour toile de fond le secret dialogue que l’administration de Barack Obama avait entamé avec les Iraniens dans le Sultanat d’Oman et dont le processus allait être couronné par l’accord de Vienne.

Les prémices de cet accord qui avait éclos dans la plus grande discrétion à Oman avaient servi de prétexte non revendiqué aux Américains pour abandonner l’option militaire contre la Syrie. La conclusion du compromis éloigne définitivement le spectre d’une intervention militaire contre le régime de Bachar al Assad. On susurre dans les grands centres d’analyse politique et sécuritaire d’Europe qu’un accord aussi lourd aussi décisif que celui qui met fin à cette guerre froide entre Washington et Téhéran doit obligatoirement contenir des rubriques secrètes qui vont au delà de la simple inspection internationale, aussi ferme aussi minutieuse soit-elle, des sites iraniens pour vérifier leur volonté d’abandonner leurs tentations d’acquérir une technologie nucléaire à usage militaire. Parmi ces rubriques, figurent à n’en pas douter la protection des alliés. Les Iraniens n’ont pas passe près de quatre années à défendre contre vents et marées leur allié Bachar al Assad pour qu’ils le lâchent maintenant qu’ils ont réussi à avoir l’attention et l’oreille des Américains.

Cette nouvelle situation met certaines diplomaties en porte-à-faux. La France de François Hollande et de Laurent Fabius qui a bâti toute sa stratégie sur l’indispensable départ de Bachar al Assad en mobilisant et ses alliés en Méditerranée et les forces de l’opposition jugées modérées par rapport à l’organisation de "l’Etat Islamique", se retrouve à pratiquer des circonvolutions diplomatiques qui en disent long sur son embarras. Les pays du Golfe, menés par l’Arabie Saoudite, qui ont mis tout leur poids dans la balance militaire, se retrouvent brusquement à revoir leurs calcules et à réécrire leur stratégie qui intègrent le maintien de Bachar al Assad au pouvoir. Il est vrai que de temps à autres la diplomatique saoudienne ressort ses classiques antiennes sur le nécessaire départ de Bachar al Assad qui ne peut faire partie de l’avenir de la Syrie pour cause de meurtre de masse contre son peuple comme l’a récemment redit le ministre des affaires étrangères saoudiens Adel Al-Jubair. Mais cela manque cruellement de conviction. La récente rencontre sous impulsion russe en Arabie saoudite entre le chef de la sécurité nationale syrienne, le général Ali Mamlouk, et le vice-héritier et fils du roi saoudien Mohamed ben Salman a été perçue comme un grand tournant susceptible de donner une autre physionomie à la crise syrienne et par conséquent au devenir de Bachar al Assad.

Les pays du Maghreb entretiennent avec la Syrie une relation compliquée qui a subi les soubresauts de la crise syrienne et les grandes hésitations de la communauté internationale face à ce problème. Aujourd’hui, une grande cacophonie marque la diplomatie tunisienne qui ne sait comment annoncer le retour des relations diplomatiques entre Tunis et Damas sans susciter l’ire de ses alliés européens et la polémique au sein même de la classe dirigeante tunisienne. En Algérie, l’approche paraît plus claire. Cousinage de régimes militaires oblige, se sentant sous les mêmes coups de boutoir, Alger a depuis le début vu d’un très mauvais œil cette rébellion contre le régime syrien. Pour le Maroc, après avoir un moment flirté avec le mouvement "Les amis de la Syrie" que Paris voulais mettre en orbite pour influencer la décision internationale sur le sujet, la diplomatie marocaine, prudente, a pris du recul devant les hésitations et les sauts d’humeur des uns et des autres. En attendant, le Maroc est préoccupé par le nombre important de marocains qui ont rejoint Daech et leur éventuel retour au pays.

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