Ayrault en Birmanie: le pouvoir civil doit être « au-dessus » de l’armée

Le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault, a plaidé jeudi en Birmanie pour que le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi soit "au-dessus" de la puissante armée qui a dirigé le pays pendant près de 50 ans.

"Dans une démocratie c’est le pouvoir civil qui dirige l’ensemble des institutions, et donc y compris l’armée", a déclaré Jean-Marc Ayrault lors d’une conférence de presse avec Aung San Suu Kyi à Naypyidaw, la capitale administrative birmane.

"Nous respectons très attentivement les décisions du pouvoir civil", mais "le dialogue de l’armée birmane avec un pays comme la France, dont l’armée est parfaitement démocratique, peut être utile", a-t-il insisté pour justifier sa rencontre dans l’après-midi avec le général Min Aung Hlaing, chef de l’armée.

Lors de sa récente visite en Birmanie, le secrétaire d’Etat américain John Kerry avait lui aussi rencontré le général.

Depuis la victoire du parti d’Aung San Suu Kyi aux législatives de novembre 2015, un gouvernement de facto dirigé par la Prix Nobel de la paix est au pouvoir.

Mais Aung San Suu Kyi, chef de la diplomatie et conseillère spéciale d’Etat, doit composer avec un système politique hérité de la junte qui laisse un grand pouvoir à l’armée. Le général Min Aung Hlaing a en effet le pouvoir de nommer les ministres de la Défense, de l’Intérieur et des Frontières.

L’armée conserve aussi un quart des sièges de députés au parlement, ce qui fait de son chef un interlocuteur incontournable pour Aung San Suu Kyi si elle veut un jour réussir à réviser la Constitution.

"L’échange que j’ai eu avec elle était très clair: c’est elle qui gouverne, elle a d’ailleurs la légitimité pour le faire puisqu’elle a gagné très largement les élections", a expliqué le ministre français à l’AFP après la conférence de presse.

"En même temps, il y a une réalité institutionnelle: encore 25% de militaires au parlement et des militaires au gouvernement", a-t-il ajouté, se disant néanmoins confiant dans la "transition" en cours.

"L’armée birmane a accompagné le processus électoral, elle a accepté les résultats. Nous souhaitons encourager le processus de réconciliation", a ajouté le chef de la diplomatie française, dont c’est la première visite en Birmanie.

Lors de la conférence de presse, Aung San Suu Kyi, qui a passé quinze ans en résidence surveillée sous la junte autodissoute en 2011, n’a répondu à aucune question, et s’est contentée d’une brève déclaration évoquant les liens entre les deux pays.

Elle a "remercié la France, qui a constamment aidé au développement de l’agriculture, de la politique et de l’économie".

"Nous souhaitons coopérer dans tous les domaines, celui de l’énergie, des infrastructures, des transports", lui a répondu Jean-Marc Ayrault.

Les groupes Total et Bouygues sont ainsi très présents en Birmanie, pays riche en hydrocarbures et où tout est à reconstruire, des routes aux hôpitaux. La France est notamment sur les rangs pour la rénovation du système d’approvisionnement en eau de Rangoun, la capitale économique, a rappelé le ministre.

Mais la conquête de ce marché de plus de 50 millions de consommateurs, vu comme un eldorado par de nombreux investisseurs étrangers, n’est pas aisée. L’économie reste opaque, l’investissement encore difficile pour les étrangers, et la politique du gouvernement d’Aung San Suu Kyi un mystère.

Jean-Marc Ayrault a annoncé lors de sa visite une enveloppe de 200 millions d’euros d’aide au développement d’ici 2018. L’Union européenne a levé toutes les sanctions économiques prises à l’encontre de la Birmanie, à l’exception de l’embargo sur les armes.

Avec AFP

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