Au Maroc, un rapport parlementaire sur les prix des carburants pointe les bénéfices engrangés par les distributeurs

Narjis Rerhaye (A Rabat)

Depuis vendredi, le parlement marocain bruit de rumeurs et contre rumeurs. Dès que l’existence de deux rapports parlementaires sur les prix des carburants a fuité dans la presse, un parfum de scandale politique a envahi le microcosme partisan. Le premier rapport, d’une centaine de pages, pointe précisément à qui profite la libéralisation des prix des hydrocarbures. Le deuxième rapport qui compte 74 pages a, lui, été nettoyé de toutes les données chiffrées tendant à montrer qu’en se désengageant du secteur, l’Etat a participé aux bénéfices engrangés par les distributeurs tout en maintenant une situation de monopole. « Si la décompensation a profité à l’Etat, elle a aussi permis de grands bénéfices aux distributeurs qui sont les seuls à fixer les prix à la pompe sans le moindre contrôle », résume un économiste de la place avant d’indiquer que «la protection des consommateurs passe nécessairement par la définition d’une marge de bénéfice maximal, comme c’est le cas sous d’autres cieux. Ce que n’a pas fait l’Etat ».

Et ce n’est plus qu’une seule et unique question qui agite les partis de l’opposition, la société civile et la presse : Quel rapport la mission d’information parlementaire sur les prix des hydrocarbures va-t-elle présenter mardi 15 mai devant la commission des finances et du développement économique de la chambre des représentants ?

Le rapport final de la mission d’information parlementaire sur les carburants présidée par le député trublion islamiste Bouano est prêt depuis la mi février. « Dans l’attente d’un consensus politicien, forcément au détriment du consommateur, le rapport était noyé dans les limbes parlementaires. Evidemment, le rassemblement national des indépendants, le parti dirigé par Aziz Akhennouch, ministre du gouvernement et principal distributeur d’hydrocarbures a tout fait pour que le rapport ne soit pas présenté en l’état, soutenu en cela par des partis de la majorité », confie un député de l’opposition.

Des passes d’armes en perspective

Entretemps, la campagne de boycott contre trois grandes marques, dont Afriquia, principal distributeur d’hydrocarbures appartenant à Aziz Akehnnnouch, s’en est mêlée. Après 4 semaines d’activisme soutenu sur les réseaux sociaux, la question des prix des carburants est désormais sous les feux de l’actualité. La publication du rapport sur la réalité des prix élaborés par la mission d’information parlementaire devenait dès lors une urgence.

Selon toute vraisemblance et face aux pressions, c’est le président de la mission parlementaire qui aurait organisé la fuite des deux versions du rapport final, histoire de prendre à témoin l’opinion publique. A l’évidence, M. Bouano voulait que des informations recueillies par les parlementaires enquêteurs soient connus du grand public. Comme par exemple le fait que l’année 2017 ait connu une hausse inexpliquée des prix des carburants dans les stations -avec un gasoil culminant à 10,50 DH le litre et l’essence à 11,50 DH litre- sachant qu’au même moment une baisse record des prix du pétrole a été enregistrée sur le marché international.

Autre information de taille qui aurait disparu de la deuxième version du rapport parlementaire, celle des bénéfices engrangés par les distributeurs et qui seraient de l’ordre de 7 milliards dhs par an auxquels s’ajoute la non restitution des 3,08 milliards de dirhams non-investis par les entreprises dans le développement de structures de stockage destinées à préserver les réserves stratégiques de carburant.

Mardi 15 mai, les débats sur les conclusions de ce rapport sur les prix des hydrocarbures vont se dérouler en commission et à huis clos. L’absence de mesures liées à l’accompagnement de la libéralisation des prix des carburants, l’inexistence d’un système de traçabilité de l’évolution exacte des cours internationaux et leur impact sur le plan national ainsi que la multiplication de nouvelles stations-service depuis la libéralisation vont donner lieu à des passes d’armes entre majorité et opposition.

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