Au Maroc, le retour du service militaire peine à mobiliser les partis

Narjis Rerhaye (A Rabat)

Depuis le dernier conseil des ministres, tenu le 20 août dernier, le service militaire signe son grand retour au Maroc. Désormais obligatoire pour les 19-25 ans, qu’ils soient hommes ou femmes, le service militaire devra durer une année pleine et entière. Les assujettis au service militaire obligatoire auront un statut similaire à celui des militaires de carrière. Nourris et logés, ils bénéficieront notamment d’une indemnité et de l’assurance maladie.

C’est à la fin de l’été et alors que le pays s’apprêtait à célébrer la fête de la jeunesse que le projet de loi réhabilitant le service militaire a été adopté d’abord en Conseil de gouvernement puis en conseil de ministres.

Elaborée dans la plus grande discrétion, la loi 44-18 qui va constituer le plat de résistance de la rentrée parlementaire est attendue de pied ferme par les députés de la commission permanente des affaires étrangères et de la défense.

« C’est en commission que le projet de loi sera débattu, enrichi, amendé. Les débats seront-ils passionnés, enflammés, polémiques ? Les élus de la Nation joueront-ils leur rôle de législateurs en apportant une plus-value à un texte qui va à coup sûr faire débat auprès de la jeunesse marocaine ?», se demande ce député de la majorité.

Difficile de répondre à la question. Les réactions politiques au projet de loi instaurant le service militaire sont encore timides. Mercredi 5 septembre, Nizar Baraka le secrétaire général de l’Istiqlal, parti appartenant à l’opposition, a appelé sur twitter « le gouvernement et le parlement à faire preuve d’écoute et d’ouverture pour enrichir le projet de loi de toute proposition constructive ». Pour le leader du plus vieux parti marocain, le service militaire doit incorporer « les possibilités de service social et les actions de développement durable et de protection de l’environnement, à titre obligatoire ou volontaire » et ce afin de répondre aux attentes des jeunes.

Le premier des Istiqlaliens sait de quoi il parle. Le Conseil économique, social et environnemental aux destinées duquel il préside a rendu publique il y a quelques semaines une étude inquiétante sur la situation des jeunes marocains.

On y apprenait entre autres que le taux de chômage moyen avoisine les 20% chez cette tranche de la population, la moitié des jeunes qui travaillent occupent des postes à bas salaires, 75% n’ont aucune couverture sociale et le décrochage scolaire concerne deux jeunes sur trois.

"Prendre le temps du débat"

Le retour du service militaire obligatoire se fait pour l’heure à bas bruit. Nizar Baraka tire la sonnette d’alarme sur l’absence de communication gouvernementale en la matière. « Notre parti estime qu’il est urgent que le gouvernement entreprenne un effort pédagogique pour communiquer autour de ce projet » a écrit N. Baraka sur son compte Twitter.

Une figure de gauche, Ali Bouabid, a lui aussi réagi au projet de loi instituant le service militaire obligatoire. C’est sur sa page Facebook que Celui qui est à la tête de la Fondation Bouabid a posté le 25 août dernier son analyse sur la question. « Les motifs qui justifient l’instauration d’un service national, civique et militaire répondent, plus que jamais, à une impérieuse nécessité (…) », estime-t-il, avant d’ajouter qu’ « en dépit des motivations louables et formelles qu’il affiche, le projet de loi de restauration du service militaire apparaît comme sous-dimensionné »

Sa « conception étriquée (pourquoi seulement militaire ?) et les conditions inutilement précipitées de son adoption laissent en effet penser qu’il est prioritairement guidé, fut-ce implicitement, par la seule crainte que fait peser sur l’ordre public cette catégorie en déshérence des +15 à 24 ans qui ne travaillent pas, ne sont pas à l’école et ne suivent aucune formation+ » et non par la volonté de provoquer un véritable élan collectif auquel les jeunes de toutes les catégories sociales pourraient adhérer », écrit celui qui est à la tête de la Fondation Bouabid, appelant les politiques et la société civile de prendre le temps du débat.

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