Au Maroc, le parti des islamistes et leur nouveau leader à l’épreuve du rapport au pouvoir

Narjis Rerhaye (A Rabat)

En tournant la page Benkirane, le Parti Justice et Développement (PJD) écrit-il les premières lignes d’une recomposition du paysage politique marocain ? Elu avec 1006 voix, contre 912 pour Driss Azami son challenger, Saadeddine El Othmani est désormais à la tête du parti des islamistes tout en dirigeant la coalition gouvernementale.

Pour cet acteur de la défunte koutla, le PJD s’est ainsi pacifié. Le départ d’Abdelilalh Benkirane signe une sorte de retour à la normale. "En même temps, c’est un paysage sans relief, un paysage plat où aucun parti n’exprimerait les maux de la société qui est en train de s’installer durablement", analyse notre interlocuteur.

Les partis au pouvoir ne cherchent pas un second souffle. Ils sont en bout de course. L’USFP a perdu toute crédibilité alors que le PPS, décapité, est en pleine déprime. Le Mouvement populaire et l’Union constitutionnelle sont loin d’être considérés comme des alternatives sérieuses par l’opinion publique marocaine. Quant au Rassemblement national des indépendants, il continue d’être vu comme le jockey de la politique avec un Aziz Akhennouch en sauveur d’entreprise. Problème, on ne gère pas un parti politique comme on gère une entreprise. Sur les travées de l’opposition, la situation n’est guère mieux. Le PAM, la formation politique inventée pour faire de la politique autrement, est en quête de sens, de leader, de direction , bref de raisons d’exister. L’Istiqlal a, lui, changé de leader. Mais le plus vieux parti marocain n’a pas encore trouvé sa voie ni recollé les morceaux de la dernière mandature populiste. « Reste l’extrême gauche qui, elle, n’a pas d’écho au sein de la société », soupire cet ancien de l’OADP, fondée par l’ancien résistant Bensaïd Aït Idder.

Ce week-end passé, le 8ème congrès du PJD qui a tenu ses assises à Rabat a été qualifié de « mariage démocratique » par le chef de gouvernement qui retrouve le fauteuil de leader qu’il avait occupé entre 2004 et 2008. Si la démocratie interne a tranché en faveur de Saadeddine El Ohtmani, l’avenir du parti des islamistes se mesurera à l’aune de leur rapport au pouvoir. La capacité du nouveau SG à gérer les rapports de force et les équilibres au sein même de sa famille politique religieuse sera sans cesse scrutée. On ne succède pas impunément à Benkirane. « Si le PJD s’est débarrassé du faux mythe qu’est Abdelilah Benkirane, il inaugure aujourd’hui une nouvelle séquence à travers laquelle il se banalise et devient exactement comme les autres partis qui après avoir goûté au pouvoir perdent leur fibre militante. Je reste persuadé que les pjdistes ont voté pour El Otmani parce qu’il est chef de gouvernement », commente Ali Sedjari, universitaire et auteur de nombreux ouvrages consacrés à la politique en terre marocaine.

Au micro de nos confrères du site 360.ma, Abdelilah Benkirane, dans la posture de l’ange déchu, a déclaré que « l’avenir est entre les mains de Dieu » et qu’ « il ne faut pas regretter la perte d’un poste aussi bien au sein du gouvernement qu’au niveau du parti".

En fin connaisseur des arcanes politiques, A. Sedjari vit le départ de comme un soulagement. Pour lui, l’ancien chef de gouvernement a dégradé la posture de l’Etat en ne respectant ni code, ni règle ni protocole. éIl a essayé de maraboutiser l’Etat , recevant chez lui avec sa gandoura, ses babouches, son thé et ses gâteaux. C’est dans son salon marocain qu’il entendait régler les choses de l’Etat. Et il ne faut pas oublier le plus grave, son mépris total pour les femmes de ce pays dans un populisme rétrograde abjecte", ajoute cet universitaire avant de conclure à mort politique définitive de celui qui a été chef de gouvernement et leader à deux reprises du PJD.

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