Asile en France : l’Assemblée vote la réduction du délai pour déposer les demandes
L’hémicycle a acté, jeudi 19 avril, la réduction de 120 à 90 jours du délai pour déposer une demande d’asile après l’entrée en France.
La gauche estime que ce raccourcissement constitue « un rabot majeur sur les droits des demandeurs d’asile » (LFI) et est « la marque du soupçon permanent » (PCF), alors que la procédure accélérée, « moins protectrice », va être étendue, voire pourrait être généralisée, d’après les socialistes. Vingt-trois députés du groupe majoritaire, dont Sonia Krimi, Barbara Pompili et Delphine O, avaient déposé un amendement pour « un retour au droit en vigueur », soit les 120 jours. « Quatre mois, c’est déjà court pour des personnes qui ont connu des situations de guerre », a lancé sa première signataire, Delphine Bagarry. Jean-Michel Clément, seul député LREM à avoir déjà annoncé qu’il voterait contre le projet de loi, a estimé que vu la « vulnérabilité des demandeurs d’asile » et « les retards de l’administration », engorgée, « ce délai [de 90 jours] par nature est restrictif des libertés, de l’accès au droit ».
Pour LR, ce raccourcissement ne « change rien »
Le ministre de l’Intérieur a plaidé au contraire qu’« aujourd’hui l’inhumanité de nos procédures » fait que « des gens passent deux ans ou trois ans sans savoir s’ils auront droit à l’asile ». Les moyens de l’Ofpra ont été augmentés, a-t-il aussi fait valoir. C’est « dans l’intérêt des demandeurs d’asile eux-mêmes de rentrer dans la demande d’asile » plus rapidement, car « avant on ne leur propose pas d’accueil, d’hébergement, de suivi administratif », a abondé la rapporteur Élise Fajgeles (LREM), mettant en avant le caractère « raisonnable et pragmatique » des 90 jours.
Les élus LR ont majoritairement voté pour ce raccourcissement du délai qui « ne change rien », de même que les FN qui y ont vu une « toute petite mesurette administrative ». Les premiers ont cherché à réduire à 30 jours, en appelant à mettre « les moyens de cette ambition », les seconds à 20 jours. Marine Le Pen, qui intervient très rarement, a pris la parole à plusieurs reprises et soutenu notamment un amendement d’Éric Ciotti (LR) qui visait à ce que le gouvernement arrête lui-même la liste des pays « sûrs », et non plus l’Ofpra. La proposition a été rejetée.
« Sortir du monde des Bisounours »
39 % des demandes d’asile sont examinées en procédure « accélérée », créée par l’ex-majorité lors de la précédente réforme de l’asile en 2015, et la « très grande majorité de ces procédures concerne des personnes figurant sur la liste des pays d’origine sûre », a indiqué le ministre de l’Intérieur. Des députés de plusieurs bords (LFI, PCF, PS et aussi MoDem et LREM) ont cherché en vain à écarter les mineurs non accompagnés des procédures accélérées, la rapporteur jugeant que les « garanties » actuelles sont « suffisantes ».
Les esprits se sont de nouveau échauffés passagèrement sur cet article, lorsque des députés ont fait part de leur expérience, les uns invitant à « aller un jour rencontrer quelqu’un qui a traversé la Méditerranée » (Erwan Balanant, MoDem), les autres appelant à « sortir du monde des Bisounours » (Ludovic Pajot, FN, Pas-de-Calais). In fine, un amendement de la vingtaine de LREM critiques pour garantir « la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur » de sa convocation à l’entretien à l’Ofpra a été adopté, Gérard Collomb s’en étant remis à la « sagesse » de l’Assemblée. « Est-ce que vous essayez de ressouder votre majorité ? » a demandé Patrick Hetzel (LR).