Antiterrorisme: feu vert du Sénat français à une « perpétuité incompressible »

Le Sénat a donné mercredi son feu vert à la possibilité pour une cour d’assises de prononcer une « perpétuité incompressible » pour les auteurs de crimes terroristes, une proposition introduite par les députés dans le projet de réforme pénale post-attentats.

Cette mesure permettra à une cour d’assises, lorsque le crime terroriste est passible de la réclusion criminelle à perpétuité, soit de porter la période de sûreté jusqu’à 30 ans contre 22 actuellement, soit de décider qu’aucune mesure d’aménagement de peine ne pourra être accordée au condamné. Elle figurait dans la proposition de loi que le Sénat avait adoptée en février pour renforcer la lutte anti-terroriste.

Les sénateurs ont rejeté deux amendements pour supprimer cette disposition, l’un déposé par le groupe Communistes, républicain et citoyen (CRC) et l’autre par les écologistes. Le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas s’est opposé à ces amendements de suppression: "Le gouvernement est conscient qu’en cette période il faut durcir un certain nombre de sanctions", a-t-il dit.

Les sénateurs ont ensuite adopté, par 313 voix pour et 30 voix contre, un amendement de la commission de loi destiné à encadrer strictement les conditions dans lesquelles le tribunal d’application des peines pourrait examiner les demandes de relèvement de période de sûreté pour les condamnés concernés par le dispositif de la perpétuité réelle.

Cette décision ne pourrait être octroyée qu’après une incarcération minimum de 30 ans. Parmi ces conditions figure notamment le recueil de l’avis des victimes qui avaient été parties civiles lors de la condamnation.

M. Urvoas s’y est opposé en estimant que le Sénat dessaisit un tribunal au profit d’une commission. Il a aussi relevé les difficultés à réunir les victimes 30 ans après les faits.

En revanche, les sénateurs ont rejeté à une très large majorité deux amendements de Jean-Pierre Grand (LR), dont l’objet était de porter à 50 ans ou 40 ans la durée minimale d’incarcération avant de pouvoir réexaminer la peine.

Un amendement de Roger Karoutchi (LR), qui voulait supprimer toute durée minimale, est quant à lui tombé.

"Il ne faut pas avoir d’état d’âme face aux terroristes", a plaidé M. Karoutchi. "Personne n’a d’état d’âme", lui a répondu M. Urvoas. "Nous nous battons avec nos armes, la force du droit, le glaive de la raison".

"Nous sommes, je crois, à la limite de ce que la Constitution et nos engagements internationaux nous autorisent à faire", a déclaré au nom de la commission des lois le rapporteur Michel Mercier (UDI-UC).

Les sénateurs ont ensuite adopté un amendement LR qui assujettit les personnes condamnées pour terrorisme à la possibilité d’être placées en rétention de sûreté ou sous surveillance de sûreté à l’issue de l’exécution de leur peine, "dès lors que serait établi leur particulière dangerosité".

Ils ont aussi créé un délit de consultation habituelle de sites terroristes dans le cadre du projet de réforme post-attentat, semblable à celui déjà prévu en matière de consultation habituelle de sites pédopornographiques. Ils ont par ailleurs porté à dix ans de prison et à 150.000 euros d’amende les sanctions contre une personne qui ne dénonce pas volontairement un crime ou un délit.

L’examen du texte doit durer jusqu’à jeudi. Il fera l’objet d’un vote solennel le 5 avril, avant de partir en commission mixte paritaire, 7 députés et 7 sénateurs, qui devront établir une version commune aux deux chambres.

Mardi, les sénateurs avaient institué une irresponsabilité pénale pour les policiers, les gendarmes ou les militaires "faisant un usage absolument nécessaire et strictement proportionné de leur arme" dans le but "d’empêcher la réitération probable, dans un temps rapproché, d’un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis".

Ils avaient aussi créé un nouveau délit sanctionnant de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende le séjour sur un théâtre étranger d’opérations terroristes.

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