Anouar Kbibech veut insufler la « culture du résultat » au Conseil français du culte musulman

Anouar Kbibech prend la tête du Conseil français du culte musulman (CFCM) à la fin du mois de juin. Cet ingénieur en télécommunications entend insuffler « la culture du résultat » du monde de l’entreprise à une institution affaiblie qu’il veut ouvrir aux femmes, aux jeunes, aux convertis et à la société civile.

Après l’Algérie et avant la Turquie, place au Maroc. La présidence tournante du CFCM passe le 30 juin, pour deux ans, du recteur de la grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, lié à l’Algérie, au président du Rassemblement des musulmans de France (RMF), dit de sensibilité marocaine.

Faut-il y voir une ingérence directe des chancelleries étrangères dans sa gestion? "Fantasme", répond Anouar Kbibech, qui relativise aussi la rivalité algéro-marocaine à la tête du CFCM. "Les antagonismes sont aujourd’hui pratiquement dépassés", assure-t-il à l’AFP.

Le profil du nouveau président, 53 ans, diffère de celui de son prédécesseur. A un recteur et fils de recteur, médecin, succède un homme de 21 ans son cadet, directeur chez un opérateur de télécommunications.

Les adeptes des sorties médiatiques plus ou moins contrôlées du Dr Boubakeur risquent d’être déçus. Pas question, pour Anouar Kbibech, d’évoquer le doublement du nombre de mosquées en deux ans – "ça ne se décrète pas" – ou l’affectation d’anciennes églises au culte musulman. Sa parole est maîtrisée, au risque d’apparaître lisse. "J’essaye d’arrondir les angles", assume-t-il.

Le visage officiel de "l’islam de France" reste celui d’un "blédard" – venu du "bled". Né à Meknès (Maroc) le 28 août 1961, Anouar Kbibech a grandi à l’ombre d’une grande mosquée, passant par une école catholique pour l’enseignement général. "Ça ne m’a pas empêché de devenir un bon musulman", s’amuse-t-il. Arrivé en France en 1980, il sort diplômé des Ponts et Chaussées.

Il s’investit dans "le travail associatif dans les quartiers", s’intéressant aux instances de l’islam "plutôt comme indépendant". Il gravite bientôt autour de la grande mosquée d’Evry (Essonne), coeur battant de l’islam marocain en France, sur le territoire de Manuel Valls. "J’ai noué des liens avec lui, on se connaît très bien", dit-il du Premier ministre.

Cette institution décriée pour son manque de représentativité et d’efficacité, Anouar Kbibech entend bien la défendre. "Trop facile de dire que le CFCM n’a rien fait! Il a beaucoup fait, malgré un manque cruel de moyens humains et financiers et alors que pas un jour ne s’écoule sans une polémique sur l’islam. Cela nous pompe une énergie incroyable", assure celui qui était vice-président de l’instance depuis 2013.

"Pragmatisme"

Sans pouvoir nier "un déficit d’image" du CFCM, il espère le relancer par "des résultats concrets": "Je suis issu du monde de l’entreprise: le pragmatisme, la culture du résultat, voilà ce ce que je souhaite impulser".

Ce père de trois filles souhaite aussi mieux refléter un "islam de France très diversifié" en créant au CFCM des "collèges" de jeunes et de femmes, en intégrant mieux les convertis toujours plus nombreux, en dialoguant avec des personnalités, notamment des philosophes.

"Notre rôle principal est de promouvoir un islam de dialogue", plaide-t-il.

Anouar Kbibech prévoit en outre de relancer la "charte halal" esquissée il y a quelques années pour encadrer l’abattage rituel. Et aimerait discuter d’une taxe sur la viande halal (deux à cinq centimes par kilo) que pourrait prélever la filière pour financer le fonctionnement du CFCM, la formation et la rétribution des imams, la construction des lieux de culte… Pas des "mosquées-cathédrales", qui "demandent des fonds énormes et où l’affluence est limitée en dehors du vendredi". Plutôt des lieux de "proximité", comme le projet qu’il suit chez lui, à Chilly-Mazarin (Essonne).

Alors que le CFCM est tenu par des laïcs gestionnaires de fédérations ou de mosquées, Anouar Kbibech rêve aussi d’un "conseil théologique" dans lequel "l’ensemble des musulmans pourraient se reconnaître". "Il faut des voix religieuses qui portent pour dire aux jeunes musulmans de France +n’allez pas en Syrie. Votre jihad, c’est de relever les défis qui sont ici+."

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