Ali Mebroukine : « Le président Abdelaziz Bouteflika n’est plus en état de gouverner »

Hospitalisé en France le 27 avril et rentré en Algérie le 16 juillet, le chef de l’Etat algérien « est toujours en convalescence prolongée à Alger » et « n’est plus en état de gouverner», a affirmé Ali Mebroukine, ancien collaborateur du président Liamine Zéroual et proche d’Ali Benflis, ancien premier ministre et candidat à la présidentielle de 2014, dans un entretien au journal français L’Opinion.

Ali Mebroukine :
A huit mois de l’élection présidentielle, Cet observateur reconnu de la politique algérienne, professeur de droit à l’Ecole nationale d’administration d’Alger et l’École supérieure de la magistrature, a constaté une crise qui « s’exacerbe à l’approche de l’échéance présidentielle d’avril 2014 » et relevé un paysage politique « chaotique ».

"Suite à son accident cardio-vasculaire du 27 avril, le président de la République conserve des séquelles lourdes (aphasie, troubles de l’orientation et de l’attention, hémiplégie) qui font qu’il n’est plus en état de gouverner", a souligné ce juriste qui a été emprisonné pendant quatre ans au début des années 2000 à cause de ses activités politiques.

"Depuis trois mois, de nombreuses personnalités ont rappelé que l’article 88 de la Constitution prévoyait l’état d’empêchement du président de la République pour cause de maladie grave et durable. Légalement, seul le Conseil constitutionnel est habilité à vérifier la réalité de cet empêchement. Or, celui-ci est présidé par un proche du chef de l’Etat qui refuse pour le moment de le réunir", a-t-il indiqué.

"En son absence, a-t-il poursuivi, c’est le Premier ministre Abelmalek Sellal qui est en charge des affaires publiques. En dehors du Premier ministre, les questions de défense et de sécurité sont gérées par le haut commandement militaire. Enfin, il existe toute une chaîne de commandement, livrée au pouvoir occulte de clans et de factions souvent à l’œuvre dans l’appareil de l’Etat, même lorsque le président de la République était supposé commander aux hommes et aux choses",.

Quant à la situation économique et sociale du pays, Ali Mebroukine a souligné que l’Algérie "est l’un des pays au monde les plus dépendants de la manne pétrolière". "L’Algérie est un pays rentier : 98,2% des recettes d’exportation proviennent de la vente des hydrocarbures, 72% des recettes servant à alimenter le budget de l’Etat sont issus de la fiscalité pétrolière ; les hydrocarbures contribuent pour 60% à la formation du PIB, cependant que les exportations hors hydrocarbures n’ont pas dépassé 1,4 milliards de dollars en 2012", a-t-il noté.

Selon Ali Mebroukine, "Politique populiste oblige, pour acheter la paix sociale, 11 milliards de dollars ont été consacrés aux transferts sociaux dans le budget de 2012. Les dépenses publiques explosent, la fonction publique est pléthorique (2,5 millions de fonctionnaires pour 38 millions d’habitants), le chômage frappe 30 % de la population active de 18 à 30 ans – alors même que l’Algérie, à l’instar des autres pays arabes, a achevé sa transition démographique – l’inflation est en réalité à plus de 20% par an, loin du taux de 8,9% officiel".

"Quant à l’école, a-t-il poursuivi, elle est sinistrée et tend de plus en plus à devenir une fabrique de chômeurs et de déclassés sociaux ; le système de santé est en déshérence totale ; l’économie de contrebande n’a jamais été aussi florissante, comme l’a reconnu le ministre de l’intérieur lui-même. Quant à l’arrière-pays, il se dépeuple à une cadence infernale ; bientôt 25 millions d’Algériens (sur 38 millions) vivront sur une étroite bande côtière de 50 km, laissant ainsi inhabités les trois quarts du territoire".

"Ni le plan complémentaire de soutien à la croissance (2005-2009) ni le plan quadriennal (2010-2014) n’ont pu inverser la tendance, alors que près de 400 milliards de dollars y ont été injectés. Il n’y a ni développement ni rentabilisation de l’appareil de production ni mise à niveau des entreprises algériennes, la plupart sous-capitalisées et mal gérées. Cela encourage les investissements spéculatifs et les opérations commerciales à rentabilité immédiate", a encore précisé M. Mebroukine.

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