Algérie: Pour quelques dinars de plus …

Par Didier Lacaze

En Algérie, comme dans de nombreux pays producteurs d’hydrocarbures, la chute brutale des cours du brut et du gaz déstabilise les comptes publics. En Algérie, 70 % des recettes fiscales et plus de 95% des ressources budgétaires proviennent du pétrole et du gaz. Or les cours du pétrole ont été divisés par deux depuis 5 ans et ne semblent pas prêts de rebondir à court terme et les prix du gaz sont durement impactés par la concurrence du gaz de schiste.

Pour faire face à cette grave crise, l’Algérie, dont l’économie dépend quasi exclusivement des hydrocarbures, a sorti "la planche à billets"», doublée d’une sévère politique de restriction des importations et d’une dépréciation de sa monnaie, le dinar, d’environ 30 %.

L’Etat algérien a ainsi enregistré en 2016 un déficit de 13,7% du Produit intérieur brut (PIB). Depuis le deuxième semestre 2014, les réserves de change ont fondu de moitié et sont tombées à 102 milliards d’US$ fin septembre. Plus grave encore, le Fonds de Régulation des Recettes (FRR) est pratiquement réduit à néant : selon le Forum des institutions monétaires et financières publiques (OMFIF), ce sont 42,4 milliards d’US$ qui ont été dilapidés. Plus grave, le FRR a vu reculer ses actifs de 90% depuis 2014 suite aux ponctions réalisées pour combler le déficit chronique du budget de l’Etat algérien, grevé de plus par l’explosion des dépenses sociales. Le OMFIF relève d’ailleurs que le cas de l’Algérie est le plus grave et le pire des 31 Fonds souverains similaires analysées.

Le robinet des fonds du FRR étant fermé pour cause de pompage abusif, il ne restait plus beaucoup de marges de manœuvre à l’Etat algérien pour trouver de nouvelles ressources budgétaires. Le gouvernement a fait voter dimanche 8 octobre dernier une loi levant l’interdiction faite au Trésor algérien d’emprunter auprès de la Banque centrale. La disparition du garde-fou empêchant le gouvernement d’emprunter sans tenir compte de la pertinence des dépenses publiques ni des recettes à venir risque d’être lourde de conséquences.

Selon les observateurs avertis, les Algériens doivent se préparer à une inflation à quatre chiffres, Alors que la hausse des prix est actuellement estimée à plus de 7 %., ruinant au passage ménages et épargnants. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia parle de « financement non conventionnel » rendu nécessaire par la « situation infernale des comptes publics » et « seule issue possible pour sauver l’Etat de la faillite ». « Sans la Planche à billets, le gouvernement ne sera pas en mesure de payer les salaires des fonctionnaires en novembre » avait d’ailleurs rajouté Ahmed Ouyahia dans son intervention devant le Sénat au mois de septembre.

Le ministre des Finances Abdelhamane Raouya a beau assurer que les emprunts publics seront « vraiment limités » et qu’il s’agit essentiellement de relancer les investissements de Sonelgaz et Sonatrach, les observateurs restent dubitatifs. Et n’hésitent pas à évoquer la possibilité d’un scénario à la vénézuélienne. Dans ce contexte, la promesse du gouvernement algérien qu’en échange de l’autorisation faite au Trésor public d’emprunter à la Banque centrale, un vaste plan de réformes structurelles serait mis en place avec pour objectif le retour à l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans fait plus que sourire les économistes.

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