Aïch Tounsi, un anti-parti en lice aux législatives en Tunisie

Des punching-balls pour "tabasser" la corruption, des clowns mettant un "carton jaune" au système: sur les marchés tunisiens, un groupe fait campagne pour les législatives en se présentant comme "des indépendants antisystème", dans le but de convaincre des électeurs exaspérés par la classe politique.

Dans un quartier populaire de Tunis, des militants de Aïch Tounsi ("Vivre à la Tunisienne", NDLR) arborent des T-shirts jaunes "N’ayez pas peur, nous ne sommes pas un parti" pour distribuer des dépliants résumant leur programme.

Ce jeune mouvement issu de la société civile, qui a fait du mécénat sportif et culturel avant de se lancer en politique, espère se faire une place de choix au Parlement au terme des législatives de dimanche. La publication des sondages est interdite, mais des études circulant en privé le placent parmi les 5 ou 6 principaux blocs parlementaires.

"Nous sommes différents des partis politiques classiques, nous renoncerons à l’immunité et à tous les privilèges parlementaires", dit à l’AFP la tête de liste pour la circonscription tunisoise de l’Ariana, l’avocat et militant des droits humains Ghazi Mrabet.

Face à un épicier sceptique, il martèle: "Nous sommes des nouveaux, des personnes qui n’ont participé à aucun gouvernement, il n’y a aucun représentant de partis politiques parmi nous".

Peu convaincu, le commerçant trentenaire rétorque qu’il "aurait aimé" que Aïch Tounsi continue de travailler à défendre les droits de Tunisiens en tant que mouvement associatif, plutôt que de participer aux élections et devenir "comme les autres".

La démarche est toutefois dans l’air du temps: lors du premier tour de la présidentielle le 15 septembre, les représentants des partis classiques ont été balayés au profit de deux candidats ayant fait campagne contre le système.

Nombre d’observateurs s’attendent à ce que cette dynamique se poursuive, ce qui pourrait bénéficier aux législatives à des listes indépendantes ou des partis parvenant à incarner le renouveau.

Pour M. Mrabet, "les Tunisiens ont besoin d’un nouveau souffle, de nouvelles têtes".

"Depuis environ un an, Aïch Tounsi est monté au créneau pour dire que les partis politiques ont échoué, que les politiciens ont volé et violé la Tunisie par un système qui se base sur la corruption, le clientélisme et le copinage", ajoute-t-il.

"Renouveau"

Aïch Tounsi a été fondé en avril 2018 par Olfa Terras, une entrepreneuse connue pour le mécénat effectué via la fondation Rambourg, lancée avec son mari et qui a financé film, tournois sportifs, ou lieux culturels en Tunisie.

Olfa Terras est l’épouse d’un ex cadre français de la finance, Guillaume Rambourg, dont le nom est cité dans des médias français comme ayant été l’un des soutiens financiers du candidat et futur président Emmanuel Macron.

Dans la lignée de la Fondation Rambourg, Aïch Tounsi a organisé une campagne pour promouvoir la citoyenneté, et des projections des matches de l’équipe nationale dans des zones défavorisées lors du Mondial-2018 de football.

Pour élaborer sa "feuille de route", le mouvement dit s’être appuyé sur une "consultation nationale" de 415.000 Tunisiens contactés par téléphone.

Il promet de lutter contre la corruption, mais aussi de garantir l’égalité des chances, et d’améliorer les conditions socio-économiques des Tunisiens.

"Les Tunisiens veulent de nouveaux visages, un renouveau, et Aïch Tounsi a pu attirer l’attention après un travail intensif sur le terrain et un contact direct avec les gens, surtout auprès de la classe moyenne", affirme à l’AFP le politologue Slaheddine Jourchi.

En outre, "il y a des moyens financiers importants qui ont permis à ce mouvement d’organiser des évènements culturels ayant drainé beaucoup de jeunes, et attiré l’attention des médias", poursuit-il.

Aïch Tounsi n’est pas un cas isolé dans la Tunisie de 2019, et d’autres mouvements ont sillonné le pays en se présentant comme une alternative aux partis, à commencer par Qalb Tounes, le mouvement de l’homme d’affaires Nabil Karoui, soupçonné de blanchiment d’argent et qui s’est qualifié pour le second tour de la présidentielle depuis sa cellule de prison.

Pour M. Jourchi, ces mouvements "ont profité du vide politique créé par la classe au pouvoir" pour "convaincre nombreux de Tunisiens".

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