Affaire libyenne : 2e jour de garde à vue pour Nicolas Sarkozy
L’ancien président est entendu pour la première fois dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007.
L’ancien ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a également été entendu en audition libre. Commencée mardi matin, son audition libre s’est terminée peu avant 23 h 30, a précisé à l’Agence France-Presse Me Jean-Yves Dupeux. L’ancien lieutenant de Nicolas Sarkozy est sorti des locaux de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre, près de Paris, à l’arrière d’une berline noire aux vitres teintées, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse. Il s’est ensuite exprimé sur Twitter.
Témoignant lors d’une audition libre, les précisions apportées doivent permettre de clore une succession d’erreurs et de mensonges.
— Brice Hortefeux (@BriceHortefeux) 20 mars 2018
Enquête pour détournements de fonds publics et corruption
L’enquête, ouverte notamment pour détournements de fonds publics et corruption active et passive, a été élargie en janvier à des faits présumés de « financement illégal de campagne électorale », a indiqué une autre source proche du dossier à l’AFP. En septembre 2017, les policiers anticorruption de l’OCLCIFF avaient remis aux juges un rapport qui pointait la circulation d’espèces dans l’entourage de Sarkozy durant la campagne 2007.
Interrogés par les enquêteurs, Éric Woerth, trésorier de la campagne présidentielle, et son adjoint chargé de la distribution des enveloppes, Vincent Talvas, ont répondu que l’argent provenait de dons anonymes, pour un montant global entre 30 000 et 35 000 euros. Une justification contestée au cours d’autres auditions, dont celle de la personne chargée du courrier reçu à l’UMP durant cette campagne présidentielle, qui a déclaré n’avoir « jamais vu de courrier arrivant qui contenait des espèces ».
Pas d’élément qui justifie une telle mesure spectaculaire de garde à vue
L’affaire a éclaté en 2012 après la publication par Mediapart d’une note attribuée à Moussa Koussa, ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, laissant penser à un financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy. Dans ce dossier, l’ex-secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant a été mis en examen pour faux, usage de faux et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée. Les magistrats s’interrogent sur un virement de 500 000 euros perçu par M. Guéant en mars 2008, en provenance d’une société d’un avocat malaisien. Il a toujours affirmé qu’il s’agissait du fruit de la vente de deux tableaux. L’avocat de Claude Guéant a estimé mardi que l’ancien président « aurait pu tout à fait être entendu sous le régime de l’audition libre ». « Il n’y a pas d’élément dans le dossier qui justifie aujourd’hui une telle mesure spectaculaire de garde à vue. Après cinq ans d’enquête, on n’arrive toujours pas à prouver qu’un seul centime d’argent libyen a été versé à Nicolas Sarkozy », a ajouté Philippe Bouchez El Ghozi.
L’enquête avait déjà connu une accélération en novembre 2016 avec les déclarations fracassantes à Mediapart de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, qui a assuré avoir remis à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur et à son directeur de cabinet Claude Guéant – qui ont farouchement démenti –, trois valises contenant 5 millions d’euros en provenance du régime Kadhafi, entre novembre 2006 et début 2007. Les juges s’interrogent également sur la vente suspecte en 2009 d’une villa située à Mougins (Alpes-Maritimes), pour environ 10 millions d’euros, à un fonds libyen géré par Béchir Saleh, ancien argentier du régime.
Le rôle d’Alexandre Djouhri
Les enquêteurs soupçonnent l’homme d’affaires Alexandre Djouhri d’être le véritable propriétaire et vendeur de ce bien et de s’être entendu avec Béchir Saleh pour fixer un prix d’achat « très surévalué ». Actuellement en exil, Béchir Saleh, que la justice française souhaite interroger dans le cadre de cette affaire, a été blessé par balle fin février en Afrique du Sud. Il est visé par un mandat d’arrêt international.
Quant à Alexandre Djouhri, il a été arrêté en janvier à Londres en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis par la justice française et incarcéré. Souffrant de problèmes cardiaques, il est hospitalisé depuis une dizaine de jours à Londres, selon une source proche de l’enquête.
afp