AFFAIRE BETTENCOURT – Les déclarations de l’ex-comptable mises à mal

Le témoignage explosif de l’ex-comptable de Liliane Bettencourt, publié mardi par Mediapart, serait mis à mal par une nouvelle audition jeudi et par l’examen des carnets de comptes.

Selon Le Monde.fr., Claire T., entendue par la police dans la nuit de mercredi à jeudi, a démenti devant les enquêteurs avoir dit que Nicolas Sarkozy recevait des enveloppes de la part des Bettencourt, chez eux, entre 1983 et 2002, à l’époque où il était maire de Neuilly. "L’article de Mediapart me fait dire que j’aurais déclaré quelque chose concernant la campagne électorale de M. (Édouard) Balladur. C’est totalement faux. C’est de la romance de Mediapart. De même que je n’ai jamais dit que des enveloppes étaient remises régulièrement à M. Sarkozy", aurait-elle dit aux enquêteurs, selon les propos rapportés par Le Monde. Une version démentie à son tour par Mediapart, qui maintient les propos prêtés à Claire T. "Nous avons eu deux longs entretiens avec elle, toujours en présence d’un tiers", explique le rédacteur en chef de Mediapart, site d’Edwy Plenel, au Point.fr. "Nous avons posé et reposé des questions précises sur les points les plus sensibles de ses révélations, ajoute-t-il. Je conçois que Claire T. soit soumise à certaines pressions."

L’avocat de l’ex-comptable, Antoine Gillot, qui n’a pas pu joindre sa cliente après sa rétractation présumée, a, lui aussi, dénoncé des "pressions" du parquet. "Le mot pressions me semble tout à fait adapté. Je trouve absolument scandaleux l’acharnement du parquet à son encontre", a-t-il dit à Reuters.

Les enquêteurs, qui avaient déjà entendu Claire T. lundi, se sont rendus mercredi soir dans le sud de la France, où l’ancienne comptable était partie se reposer, pour compléter sa déposition. Selon Antoine Gillot, elle a été priée de revenir à Paris jeudi pour une confrontation avec le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, qui conteste ses dires sur le versement d’argent à Éric Woerth pour le financement de la campagne de 2007.

Carnets mystérieux

Par ailleurs, les fameux carnets de caisse de l’ancienne comptable, un temps introuvables, ont été remis à la police par l’avocat de l’héritière de L’Oréal, Me Georges Kiejman. Ils jetteraient le doute sur les premières déclarations de l’ex-comptable.

Dans ces carnets, dont le journal Libération reproduit des extraits jeudi, Claire T., comptable de la milliardaire de 1995 à 2008, dit avoir consigné tous les retraits en espèces effectués sur deux comptes bancaires de la milliardaire, et leur usage. Il y figure bien la trace d’un retrait de 50.000 euros sur un compte de Liliane Bettencourt à la BNP à la date indiquée par la comptable, le 26 mars 2007. Selon Claire T., ces 50.000 euros auraient été remis à Éric Woerth, trésorier de la campagne Sarkozy, en même temps que 100.000 euros retirés en Suisse. Selon Me Kiejman, rien, sur cette page, ne vient confirmer un tel usage et il est fait état, au contraire, de dépenses domestiques, comme 12.861 euros d’achats pour la cuisine. "C’est ridicule de penser que c’est l’argent de la cuisine qui servait pour les hommes politiques", a-t-il lancé.

Libération précise cependant qu’on remarque, à la date de janvier 2007, une dépense de 100.000 euros avec la mention "Monsieur", apparente allusion à André Bettencourt. Or la comptable a déclaré à Mediapart qu’elle portait toujours cette mention lorsque l’argent était remis à des hommes politiques, pour qu’il n’en reste pas de trace écrite.

L’enquête reste sous le contrôle du procureur de Nanterre, Philippe Courroye, qui n’a pas caché dans le passé son amitié avec Nicolas Sarkozy. Ce point a suscité une réaction de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), qui estime que le procureur devrait se dessaisir de l’affaire au profit d’un juge d’instruction. Le procureur n’a pas légalement les mêmes pouvoirs étendus qu’un juge d’instruction en matière d’arrestations, d’écoutes téléphoniques ou d’investigations à l’étranger.

Le Point

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